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Des travailleurs du secteur public genevois analysent l'état du "mouvement"


On peut lire, dans le numéro de décembre de l’Éducateur, sous le titre 1500 en novembre, 3000, 6000, etc. aux prochaines manifs ? une invite du Cartel intersyndical aux fonctionnaires de l’État à se mobiliser. Cet appel à la mobilisation nous laisse perplexe car la dernière manif était sinistre et son sens échappait largement aux participants de base que nous sommes. Nous ne prenons pas les responsables du Cartel pour des idiots et nous pensons donc qu’ils savent qu’une mobilisation ne se décrète pas et ne se proclame pas dans un journal.
Alors quel sens donner à ces déclarations ? Nécessité de s’agiter un peu pour justifier de l’existence du Cartel ou sincère désir de faire quelque chose quitte à faire n’importe quoi ? Peu importe. Ce qui compte c’est que les défaites s’accumulent mollement : après celle sur les budget 2004 et 2005 voici déjà effective celle sur le budget 2006. Et l’immobilisme s’accroît chez les travailleurs de l’Etat, les “ assemblées générales ” sont vides et les manifs rachitiques : toutes choses qui achèvent de décourager les plus combatifs.
Les pratiques des syndicats sont largement à mettre en cause dans cet état de fait : leur fonctionnement vertical avec des syndicalistes professionnels, l’absence d’information syndicale digne de ce nom au niveau de la base, la tenue d’Assemblée générale largement bidons au cours desquelles rien n’est vraiment discuté et qui ne servent qu’à entériner les décisions venant de la “ table des chefs ”, le corporatisme, l’opacité de la stratégie des syndicats, etc. Tout cela contribue à créer un syndicalisme symbolique de pure façade qui ne s’incarne dans aucune base. Il est symptomatique de voir que même lorsque la mobilisation est réussie comme ce fut le cas au printemps 2004 avec 10000 fonctionnaires dans la rue et une grève suivie, tout cela meurt sans que rien n’ait été obtenu. Du jour au lendemain, les syndicalistes, animés par des motivations mystérieuses, arrêtent tout. Tout le monde retourne au boulot. Et voilà. C’est que, dans la stratégie du Cartel, la base n’est qu’une arme d’appoint qui ne sert qu’à faire pression dans les négociations avec le Conseil d’État. Les syndicalistes professionnels ne sont pas seuls à incriminer car les travailleurs de l’État accepte de se voir si mal représenter et dans leurs rangs c’est la résignation ou l’indifférence qui se rencontrent le plus souvent, voire l’esprit de collaboration avec certains fonctionnaires qui intègrent le discours anti-fonctionnaire pour le reprendre à leur compte.
Dans ces conditions, les manifs ne peuvent être que des farces, d’autant moins drôles que la situation se durcit et le statut ne fonctionnaire est plus qu’en sursit. Sa disparition à Genève, comme c’est déjà le cas ailleurs en Suisse, serait une étape de plus dans la détérioration des conditions faites aux travailleurs salariés de ce pays. Si nous ne bougeons pas, si nous ne solidarisons pas, nous serons bouffés. Mais une authentique mobilisation ne se décide pas, elle se construit. La situation est tellement dégradée qu’il nous faut tout réapprendre d’un syndicalisme de base dont les revendications et les choix stratégiques feraient l’objet de propositions élaborées par les travailleurs eux-mêmes, discutées et votées en assemblées générales. Les représentants syndicaux devraient être élus pour porter ces revendications et rien d’autre. Il suffit de ces syndicalistes qui ne rendent jamais de compte*.
A ces conditions-là seulement, nous irons aux manifs porteurs d’un véritable discours collectif apte à créer entre nous une véritable solidarité. On pourra alors espérer se défendre dans la durée.

* et que l’on retrouve le lendemain élus de tels ou tels partis de gauche pour appliquer une politique que la veille ils étaient censés combattre : les relations incestueuses entre partis politiques de gauche et syndicats sont de tradition dans ce pays où le passage syndical sert de tremplin à de nombreuses carrières politiques.

Des travailleurs du secteur public genevois

http://direct.perso.ch/onpeutlire.html