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Ici et maintenant

Le système capitaliste achève sa conquête de la planète. Prenant appui sur les systèmes étatiques, il perpétue la division de la société en classes sociales et l'exploitation du prolétariat. Alors que dans les pays du Sud, la grande majorité de la population se retrouve sans aucune protection contre la maladie, le chômage et la faim, dans les pays "développés", toujours plus nombreux sont les pauvres et les exclus. A ce constat, il faut ajouter les dégradations irréparables de la nature que les États sont incapables de maîtriser. A l'aube du XXIe siècle, les recettes des maîtres du monde sont incapables de résoudre les problèmes de l'humanité.

L'actuel "système démocratique" 1 ne limite guère les dégâts sociaux et écologiques causés par la "mondialisation" de l'économie. Au contraire, les spéculateurs et les patrons mettent à profit les lois qui les favorisent. Les élus du peuple ne défendent guère l'"intérêt général", mais utilisent leur mandat pour favoriser certains groupes de pression ou pour se servir eux-mêmes.

La gauche parlementaire et gouvernementale a longtemps prétendu que, par des réformes, elle allait mettre en place graduellement un système socialiste. Son échec est clair et la lutte pour des conditions de vie égalitaires ne figure plus à son ordre du jour. Tout au plus prétend-elle conserver les "acquis" du système actuel. Soit, pour la majorité des gens : l'exploitation dans le travail (ou le chômage), un mode de vie consumériste, stressant, la lutte de tous contre tous, l'impossibilité de réaliser ses aspirations.

L'exploitation capitaliste et l'oppression étatique sont des phénomènes mondiaux. Toutefois, ils ne se manifestent pas partout de la même manière. Certains continents, certains pays, en souffrent plus que d'autres. Pour des raisons historiques, la Suisse a été jusqu'ici relativement protégée. Préservée des deux guerres mondiales, longtemps alliée favorite des États-Unis, c'est une puissance économique et financière relativement importante. La paix du travail des années trente a scellé un compromis historique entre les syndicats et partis de gauche et la bourgeoisie. Depuis cette période, les "organisations des travailleurs", en réalité des bureaucraties très éloignées de la base, ont signé des accords avec les patrons sans recourir à un quelconque rapport de force. Quand la "crise" a frappé, les syndicats se sont alors trouvés incapables de résister à la dégradation des conditions de travail, aux licenciements, aux baisses de salaire. Toujours occupés à la recherche du compromis, ils sont incapables de comprendre que pour les patrons la lutte des classes n'est pas un vain mot.

Notre projet

En tant qu'anarchistes ou libertaires, pour nous ces mots sont synonymes nous appartenons à la tradition socialiste (collectiviste ou communiste) 2 qui veut l'égalité économique de tous les êtres humains. Autrement dit, nous refusons l'égalité politique abstraite des libéraux qui, dans les faits, correspond à la loi du plus fort.

Nous aspirons à une révolution sociale, à la transformation complète des rapports humains. Nous sommes pour une société antiautoritaire, autogérée, tant sur le plan de l'organisation politique, territoriale, que dans le domaine du travail. Nous voulons mettre en place une organisation sociale et économique qui respecte véritablement l'environnement. Nous voulons remplacer la concurrence et la domination par la liberté et l'appui mutuel.

Cette nouvelle société n'est pas déjà planifiée, car ce processus collectif ne peut pas être imaginé par une petite minorité. Ceci dit, nous savons que la mise en place de cette société future impliquera aussi bien une autre structure sociale, qu'un changement des mentalités, et nous pouvons déjà au moins énoncer quelques principes généraux de notre projet.

La société à laquelle nous aspirons devrait être fortement décentralisée, afin de permettre à l'ensemble des gens de participer aux décisions concernant leurs principaux besoins. Une organisation collective devrait remplacer la propriété privée actuelle dans chaque secteur économique, dans chaque entreprise et dans chaque quartier ou chaque village. La coordination s'effectuerait selon un système de délégation, au niveau régional, continental, international. Les personnes chargées de représenter les collectifs (les délégués) seraient révocables en tout temps et devraient répondre de leur mandat (principe du mandat impératif).

Contrairement à d'autres courant politique (au marxisme notamment), nous ne croyons pas qu'une telle société soit l'aboutissement nécessaire du processus historique. Par contre, nous pensons que si la majorité des gens est disposée à collaborer solidairement au bien-être de chacun, une telle perspective n'est pas invraisemblable.

Organisation et moyens d'action

L'organisation antiautoritaire de celles et ceux qui luttent contre les méfaits de la société actuelle constitue un préalable nécessaire au changement social. C'est en construisant des organisations qui respectent nos principes que nous serons crédibles. La résistance collective n'est pas seulement un moyen d'obtenir des améliorations ponctuelles, elle constitue aussi la préfiguration de la société future.

Celles et ceux qui n'ont pas accès aux richesses, qui sont exploités dans leur travail, brimés dans leurs lieux de formation ou qui sont au chômage peuvent avoir une propension à la révolte. C'est en leur sein qu'à l'origine est né le mouvement libertaire, et que certaines de ses pratiques réapparaissent périodiquement de manière spontanée. C'est pourquoi nous sommes partisans du développement de structures de résistance de base à caractère syndical, mais non bureaucratisées, ni autoritaires et/ou corporatistes.

Nous sommes également favorables aux mobilisations de base à caractère territorial dans lesquels se retrouvent les habitants d'un quartier, d'un village ou d'une région qui refusent les atteintes du capitalisme aux conditions de vie quotidienne : les luttes contre les centrales nucléaires, contre les pollutions industrielles, pour l'accès à la formation et à des soins médicaux de qualité, pour des logements décents et accessibles à tous, etc.

Nous refusons d'accueillir dans nos rangs les personnes dont le rôle principal est de défendre et perpétuer le système actuel : policiers, militaires de carrière, politiciens, patrons et bureaucrates syndicaux.

En Suisse, un projet comme le nôtre va à l'encontre de la culture et de l'idéologie dominantes. L'individualisme et le consumérisme prédominent. Nombreux sont les exploités qui font encore largement confiance au pouvoir politique et économique et aux institutions qui servent au maintien du consensus. L'exemple de la démocratie semi-directe qui canalise le mécontentement et intègre les oppositions est flagrant. Ce sont presque toujours ceux qui disposent du plus gros budget, qui parviennent à imposer leur point de vue grâce aux initiatives et référendums. En général, les groupes qui veulent faire adopter une idée généreuse en recourant à ces instruments renforcent la crédibilité du pouvoir ou des conservateurs, en aboutissant à l'effet inverse de celui qu'ils recherchaient. De plus, par son geste, l'électeur ou le votant manifeste, à nos yeux, un acte d'allégeance vis-à-vis du système.

Nous sommes, par contre, partisans de l'action directe. C'est-à-dire de l'expression, de la manifestation directe des revendications des exploités, par des méthodes comme les manifestations, les grèves, les occupations, etc. et pour la négociation directe des personnes en luttes avec leurs interlocuteurs.

Concrètement, nous voulons favoriser ce type de résistance là où il se manifeste, soit directement sur notre lieu de travail ou d'études, dans notre quartier, soit indirectement, en soutenant et popularisant les luttes d'action directe, qu'elles aient lieu en Suisse ou dans d'autres pays.

L'internationalisme fait partie des principes fondateurs du mouvement ouvrier et socialiste dans lesquelles nous nous reconnaissons. Parce que le capital n'a pas de frontière, parce que les moyens militaires actuels sont en mesure de détruire la planète, parce que les atteintes régionales à l'environnement ont des conséquences planétaires, cet internationalisme est toujours plus d'actualité.

Si nous voulons entraver la délocalisation des entreprises, nous avons intérêt à soutenir nos camarades qui luttent pour une amélioration de leurs conditions d'existence dans les pays "émergents". Nous sommes aussi obligés d'admettre que la relative aisance qu'on connus les pays occidentaux est en grande partie due à l'exploitation de type colonial des pays du Tiers Monde. L'internationalisme est donc autant une nécessité qu'un devoir.

Pour des raisons historiques et culturelles, les idées anarchistes ne sont pas exactement les mêmes partout dans le monde. Par ailleurs, du fait de la faiblesse actuelle du mouvement et de la confusion idéologique générale, l'étiquette "libertaire" a été adoptée par des collectifs à caractère autoritaire. Notre engagement dans le "mouvement libertaire" correspond aussi à une volonté de clarification et de renouvellement des idées anarchistes, d'information sur les orientations et les réseaux internationaux qui le traversent.

Nous sommes section de l'Association internationale des travailleurs (AIT), dont l'engagement anarcho-syndicaliste correspond à notre volonté de nous inscrire à la fois dans l'anarchisme social et dans les luttes des exploités contre le système capitaliste.

DiRECT! AIT
(Texte revu en février 2003)

Notes :
1 Contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, le système capitaliste n'est pas nécessairement "démocratique". L'évolution actuelle de la Chine (qui entreprend des réformes économiques, sans modifier son système politique de parti unique), comme les exemples antérieurs des dictatures latino-américaine (Chili, Argentine, etc.) sont là pour le prouver. En Occident même, le fascisme et le nazisme ont démontré qu'un système économique s'appuyant sur la propriété privée des moyens de production peut fort bien s'accommoder d'un régime politique totalitaire. Par ailleurs, l'effondrement des systèmes dits "communistes" a mis à jour une réalité que les anarchistes avaient dénoncée dès l'origine : dans une société où les ressources sont centralisée par l'État et où une infime minorité bureaucratique décide des choix économiques et sociaux, la barbarie est sans limite.

2 Le collectivisme c'est le principe "à chacun selon son travail" qui est favorable à une répartition des ressources correspondant à l'effort fourni. Un des problèmes étant de savoir qui va se charger de mesurer l'apport de chacun et en fonction de quels critères. Il y a aussi la question de ceux qui ne peuvent pas travailler : enfants, handicapés, personnes âgées... Le communisme comme doctrine, qui s'appuie sur le principe "à chacun selon ses besoins" paraît résoudre ces problèmes, mais il en pose d'autres: les besoins ne sont-ils pas insatiables et illimités, si on leur laisse libre cours?

http://direct.perso.ch/manifeste.html