Liberté pour Marco Camenisch !
Après plus de dix ans d'incarcération
en Italie, Marco Camenisch, prisonnier anarchiste de
nationalité suisse a été extradé
dans son pays. Depuis le printemps dernier, il est
emprisonné à Pfäffikon dans le canton
de Zürich.
À l'heure où les atteintes à l'environnement
provoquent quotidiennement des catastrophes dont sont
victimes des milliers de personnes, cet opposant au
nucléaire, ce défenseur de la nature
qui vit dans sa propre chair l'exploitation et la destruction
des vallées alpines a plus que jamais besoin
de notre soutien.
Marco est né à Campocologno dans la partie
italophone des Grisons. Rebelle précoce, il
abandonne l'école peu avant d'obtenir son bac.
Il explique ainsi sa décision : " à
l'école, j'ai appris à réfléchir,
j'ai compris les mécanismes du système
d'exploitation de notre société ".
En 1979, à une époque où les mouvements
anti-nucléaires subissent une répression
féroce (un manifestant est tué, d'autres
grièvement blessés lors d'une manifestation
contre Super-Phénix à Creys-Malville),
il va réaliser deux actions contre des installations
électriques. Ces actes n'ont fait que des dégâts
matériels, mais Marco est condamné, en
1980, à 10 ans de prison. Il est incarcéré
à la prison de Regensdorf. En 1981, il participe
à une évasion collective au cours de
laquelle un gardien est tué. Marco n'est pas
responsable de cette mort, mais le jeune révolté
va devenir un homme traqué par toutes les polices
d'Europe. Dix ans plus tard, le 5 novembre 1991, il
est intercepté près de Carrare en Italie
par une patrouille de carabiniers. Un échange
de coups de feux a lieu, un carabinier ainsi que Marco
sont blessés.
Une campagne de presse odieuse se produit alors contre
Marco et les personnes qu'il côtoyait. De nombreux
libertaires sont arrêtés dans la région
de Massa-Carrara. On les accuse d'appartenir à
une " association de malfaiteurs " par le
simple fait d'avoir connu Marco, ou de lui avoir fait
parvenir des lettres de soutien. En Suisse, des journaux
l'accusent sans preuve de la mort du douanier Kurt
Moser. En Italie, l'accusation essaye de lui mettre
sur le dos tous les attentats commis contre des installations
électriques, alors que depuis plus de 30 ans
des pylônes tombent en Italie et que son arrestation
n'a pas interrompu le phénomène...
En 1992, Marco Camenisch déclarait devant le
Tribunal de Massa : " Je rejette fermement les
charges dont on m'accuse et je répète
que mon ami Giancarlo et mes autres ami-es n'avaient
pas connaissance de ma situation de hors-la-loi, de
rebelle social, ni du matériel d'autodéfense
trouvé en ma possession (...). Je suis un berger,
paysan et chasseur des Alpes, victime d'un génocide
réalisé par les mêmes ennemis qui
au cours des siècles ont détruit ma terre,
sous la forme de multinationales de l'atome, d'exploitation
hydroélectrique, touristique, du militarisme
et de ses places d'armes avec la pollution radioactive,
chimique et industrielle (...). C'est par la prise
de conscience de mon être exploité, exproprié,
que je suis allé jusqu'au bout dans ma tentative
de libération et que j'ai essayé de contribuer
à la libération et à la défense
de cette merveilleuse planète (...). Je ne suis
pas un criminel, je ne suis pas très dangereux
pour la société, je ne suis pas l'écoterroriste,
mais par contre ces qualificatifs s'appliquent à
l'Etat et à ses patrons... "
Condamné à 12 ans de prison, Marco sera
de toutes les luttes des prisonniers en Italie. Il
prend part à des grèves de la faim pour
dénoncer les mauvais traitements que subissent
les détenus (notamment l'absence ou la médiocrité
des soins médicaux). Ces actions collectives
sont parfois couronnées de succès...
Dans les courriers qu'il nous faisait parvenir, Marco
manifestait toujours de l'intérêt pour
les mouvements sociaux (ouvrier-ères, squatters,
étudiant-es...) et il n'a jamais cessé
de proclamer sa solidarité avec le courant anarchiste.
Depuis qu'il a été extradé en Suisse,
Marco est soumis à une enquête portant
sur des faits vieux de 20, 13 et 10 ans. Pendant la
durée cette procédure, il subit de très
dures conditions de détention. Selon les informations
dont nous disposons, il est privé de presque
tout : pas de visites, même pas de sa famille,
ni téléphone, ni machine à écrire,
presque pas de livres et seulement une heure de promenade
par jour. On l'humilie en lui attachant les bras dans
le dos avec des menottes et en lui mettant des chaînes
aux pieds lors de ses déplacements. Son avocat
risque d'être révoqué sous prétexte
de " conflit d'intérêt ", pour
avoir défendu deux coaccusés de Marco
de l'affaire de l'évasion. Mais dans le premier
cas, c'était pour une affaire antérieure
et le second est mort depuis dix ans ! La procureure
Claudia Wiederkehr tente tout ce qu'elle peut pour
lui extorquer des aveux. Elle n'a pas hésité
à interroger la maman de Marco, qui a 80 ans
et une santé précaire. Cette magistrate
est la fille du directeur de la NOK, l'entreprise électrique
sabotée par Marco. Qui parle de conflit d'intérêt
?
Nous sommes convaincus que s'il était possible
de mettre sur le dos de Marco Camenisch l'ensemble
des crimes et délits non élucidés
du canton des Grisons, cela arrangerait beaucoup de
monde. C'est pourquoi son cas doit être largement
connu et défendu, pour qu'il ait au moins droit
à une " justice " équitable
: la présomption d'innocence, une défense
digne de ce nom, l'arrêt de toute torture psychologique
et des conditions de détention qui respectent
la dignité humaine.
En ce qui nous concerne nous soutenons Marco, car nous
partageons sa révolte. Comme nous le disions
en 1993 dans L'Affranchi, " La violence institutionnelle
mène à un développement de la
mort dans l'espace des vivants. La riposte des opprimés
ne peut être de même nature, elle part
de la nécessité de défendre un
espace qui lui appartient et que lui dispute une domination,
consommatrice imperturbable des énergies humaines.
Avec Marco, nous avons affaire à un type de
violence principalement défensif qui témoigne
du refus d'un système, du refus de l'oppression,
du refus de la destruction de la nature. Il s'agit
dans son cas d'un combat individuel à armes
inégales contre l'Etat. Sa violence ne peut
être comparée à celle des institutions
de pouvoir. On ne peut mettre sur le même plan
un individu qui se révolte et un système
qui essaye de réduire, par la violence, ceux
qui s'opposent à lui ".
Lausanne, le 29 août 2002
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