Nous sommes fatigués
Fatigués des grèves stériles au
cours desquelles nous avons été promenés
tels des boeufs que l'on mène à l'abattoir,
fatigués de perdre dans l'indifférence
et l'apathie générale : on lutte contre
le budget 2004, puis le 2005, maintenant le 2006, sans
aucun résultat et on attend de devoir lutter
pour le maintien du statut de fonctionnaire que certains
se résignent déjà à abandonner
ou à dealer aux meilleures conditions, secteur
par secteur. Cette suite de désastre, cette
chute libre n'entraîne aucune remise en question,
ni même aucune question, aucun débat :
les syndicalistes appointés, professionnels
de la concertation déconcertante, pathétiquement
largués et dépassés par la situation
ne se remettent pas des coups que leur ont porté leurs partenaires d'hier. Fini la divine époque
de la paix du travail, du donnant-donnant où le deal entre et le patronat et les syndicats était
clair : " tu tiens tes troupes, vous êtes
pas trop gourmands et on vous file les miettes ".
Affaiblis et à bout de course, ils s'aperçoivent
que la situation dans laquelle ils s'étaient
confortablement installés depuis la fin de la
seconde guerre mondiale n'était, en fait, qu'un
moment particulier du capitalisme national. Aujourd'hui
leur machine syndicale à fabriquer du consensus
et de la paix sociale est cassée : " le
Conseil d'État n'a plus besoin de rechercher
un compromis avec le Cartel Intersyndical avouent-ils
dans la presse (Jean-Pierre Fioux, ex-président
du Cartel intersyndical, Le Courrier, 28 octobre 2004).
"On" n'a plus besoin d'eux : ne leur reste
que la tristesse du vieux domestique congédié après des années de fidélité,
la gueule de bois des lendemains de la grande fête
cogestionnaire. Et nous ?
Nous, nous errons lamentablement dans des manifestations
traîne-savates et clairsemées, avant de
rejoindre nos postes de travail et de constater que
le seul résultat de nos actions se compte en
francs débités de nos salaires à la fin du mois. Mais jamais la base ne détermine
les mots d'ordre et les actions à mener, les
assemblées générales sont bidons
et tout est décidé à l'avance,
enfin pour ce que sont en mesure de décider
nos pros de la débandade organisée. Le
résultat, ce sont des luttes désincarnées,
sans continuité et de plus en plus illisibles
: à ce sujet, le gros lot revient à la
semaine d'action (?) que tout le monde a oublié,
d'ailleurs - qui a été un échec
total et un parfait exemple de la confusion affolée
de nos syndicalistes rémunérés.
Notons qu'on peut toutefois leur pardonner, peu habitués,
ils ont oublié que l'action ne se décrète
pas, surtout à la place des autres. Au final,
un beau gâchis : entre deux mobilisations, rien
ne se passe sur les lieux de travail, rien ne s'élabore
entre travailleurs. On attend.
Ah si ! On signe des pétitions, on initiative,
on referendum : ça c'est la trouvaille qui fout
la trouille au Conseil d'État, on signe pour
dire qu'on n'est pas content et on prend des vestes
au votation . Et puis, on nous dit qu'il faut bien
voter pour les gentils copains de gauche et que tout
ira mieux. Ce citoyennisme, dernier avatar d'une gauche
politique en perdition, est l'arme brandie par des
syndicats dont la collusion avec les partis politiques
de gauche est de tradition. Ce faisant les syndicats
bafouent la nature même de l'action syndicale
: la défense des intérêts des travailleurs
de la fonction publique comme du privé ne concerne
que les travailleurs eux-mêmes. Ce n'est pas
un enjeu politique.
Alors ? Alors, on est dans la merde. L'espoir de renverser un rapport
de force qui, pour l'heure, nous est extrêmement
défavorable réside dans notre capacité, à
nous travailleurs du public, à reconquérir notre
autonomie de pensée et d'action par rapport aux structures
existantes qui ne nous servent plus à rien. Chacun doit discuter
et agir à la base, sur le terrain. Le chantier est ouvert
à tous ceux qui souhaitent reconquérir un peu le terrain
perdu de leur autonomie.
Des travailleurs de la fonction publique
Initiative Autonome
c/o Direct !
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