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Les damnés du 3e cercle

Aujourd'hui no 56 (14 janvier 2000)


Lothar a ravagé l'Europe. La France, par exemple, n'avait pas connu une telle catastrophe depuis le XVIIe siècle. Selon certains historiens, « il y a eu quelques tempêtes de grande envergure à la fin du XIXe siècle, mais elles n'ont accusé ni la même fréquence ni surtout la même intensité que celles qui se sont abattues sur le continent ces vingt-cinq dernières années »1.

Devant de tels phénomènes, une question se pose : savoir si oui ou non les activités humaines ont une influence sur l'évolution du climat. Les études prouvent que les climats changent : « ils s'inscrivent dans une tendance générale à l'accélération de la circulation atmosphérique, à laquelle correspond inévitablement une fréquence plus élevée et une force accrue des épisodes tempétueux »2, et un réchauffement de la terre a bien été constaté (il est, en Europe, de 0,8 °C depuis le début du siècle). Même si une grande majorité de spécialistes annoncent un réchauffement de 2° à 4,5 °C, lors du siècle prochain, effectivement directement lié au dégagement dans l'atmosphère des gaz à effet de serre, tous ne sont pas unanimes. Aussi, ce problème tourne à la querelle d'expert, suivant le fameux principe selon lequel, tant qu'une chose n'est pas scientifiquement prouvée, elle n'est pas vraie. Pourtant, s'il y a un risque que l'activité humaine mettent en péril l'équilibre écologique de la planète, le simple bon sens commanderait que l'on en tienne compte de façon urgente tant l'enjeu est d'importance pour la nature et les hommes.

Quoiqu'il en soit, que l'homme soit ou non à l'origine des déchaînements de la nature, ce qui est certain c'est que leurs conséquences sont directement liées à « l'occupation et l'exploitation du territoire [qui] obéissent désormais aux impératifs de la spéculation et du rendement » 3. En fait, on nie les réalités naturelles : on construit dans les lits des rivières, on endigue à tout va, on bétonne et advienne que pourra ! Des scientifiques ont relevé que « la politique de remembrement des terres agricoles de l'ouest de la France a été une catastrophe sur le plan écologique : elle a entraîné la suppression de milliers de kilomètres de haies et de bosquets, l'assèchement des marais, la disparition des tourbières… Des paysages contrastés, avec des pleins et des déliés qui freinaient naturellement les bourrasques dans leur avancée, empêchaient le ravinement des terres sous l'action des pluies diluviennes, servaient de réservoir d'eau naturel. »4.

Il est une autre vérité qui ne peut être contestée : tous les pays ne sont pas égaux devant les catastrophes naturelles et le mauvais état des infrastructures, la concentration de la population, le manque de moyens de secours des pays pauvres touchés alourdissent terriblement les pertes humaines. L'actualité nous en a livré plusieurs exemples dans l'année écoulée avec les tremblements de terre en Turquie ou les inondations du Venezuela. Qui plus est dans ces pays incapables de faire face, les catastrophes durent : « Des désastres comme les ouragans Mitch et George ont anéanti des systèmes sanitaires entiers ainsi que les économies sur lesquels ils reposaient. Le choléra, le paludisme, la dengue, les maladies respiratoires, la leptospirose, transmise par les rongeurs, règnent désormais au Honduras et au Nicaragua voisin »5. Si ces questions-là ne sont qu'à peine évoquées, c'est qu'elles sont très embarrassantes car elles concernent l'inégalité sociale, l'incurie des gouvernements, l'inhumanité du système économique.

Améliorer le sort des populations les plus exposées, comme prendre sérieusement en compte l'effet de serre, c'est obligatoirement remettre en cause les activités humaines et le système d'exploitation qui les sous-tend. Mieux vaut accabler la fatalité.

G. Amista et M. Chisal

1. A. Doll, Histoire des grandes tempêtes dans les forêts d'Europe occidentale, 1991.
2. Le Monde, 4 janvier 2000.
3. id.
4. Le Monde, 30 décembre 1999.
5. Gro Harlem Brundtland, Directrice générale de l'OMS.

http://direct.perso.ch/auj05603.html