Dossier négationnisme
par J. Valjak et M. Argery
L'Affranchi no 16 (printemps-été 1999)
Voici un dossier consacré à un sujet pour
le moins scabreux. Nous avons posé notre regard
sur le curieux phénomène du négationnisme
<< de gauche ou libertaire >>. Cette aberration
est particulièrement pénible, car si
l'on comprend pourquoi l'extrême-droite essaie
de nier ou de minimiser le génocide des Juifs
durant la deuxième guerre mondiale, il semble
invraisemblable que des gens du camp adverse défendent
de pareilles idées.
Même s'il est tout à fait marginal dans
nos milieux, le révisionnisme ou négationnisme
1 y a une tradition, qui date, nous le verrons, des
années cinquante. Inventé par un esprit
dérangé, celui de Paul Rassinier, ce
négationnisme << de gauche >> a
rapidement attiré l'attention d'authentiques
nazis qui ont su l'utiliser à leur profit. Ainsi,
aujourd'hui encore, dans quelque officine borgne, de
vieux crétins osent se prétendre anarchistes,
alors qu'ils diffusent, entre quelques citations des
classiques, des écrits racistes et antisémites
parfaitement répugnants.
Cette triste engeance serait peut-être tombée
dans l'oubli si les thèses de Rassinier ne s'étaient
pas refaites une nouvelle jeunesse dans les années
soixante-dix, grâce à des individus issus
du marxisme et jouissant, pour certains, d'une petite
réputation dans le monde littéraire.
Là non plus, il ne s'agit pas d'un mouvement
important, ni même d'un groupe significatif,
mais de quelques personnes qui ont su se faire une
réputation sulfureuse et attirer l'attention
des médias.
Ces gens ne mériteraient sans doute pas beaucoup
d'attention, s'ils n'étaient pas au centre d'une
polémique qui divise profondément le
mouvement antifasciste français. Les échos
de cette affaire qui sont parvenus jusqu'à nous,
nous ont profondément troublés. Le traitement
désinvolte qu'en a fait Le Monde libertaire,
dans un article signé Jean-Marc Raynaud, n'a
pas apaisé notre inquiétude. Ce n'est
pas en renvoyant dos à dos les individus qui
essaient de cacher sous le tapis leur passé
négationniste (Gilles Dauvé et Serge
Quadruppani) et ceux qui les dénoncent (Didier
Daeninckx, Alain Bihr, Thierry Maricourt, etc.), en
les traitant au passage de << petits bourgeois
néo-réformistes >> et en les accusant
<< de jeter l'opprobre sur (...) un mouvement
libertaire ontologiquement insoupçonnable de
toute complaisance envers la vérole révisionniste...
>> 2, qu'on va résoudre le problème.
Le fait de rappeler les nombreuses victimes libertaires
du fascisme ou de déclarer qu'il y a beaucoup
plus de fascistes camouflés au sein des autres
courants politiques de droite et de gauche, ne nous
dispense pas non plus de faire le ménage chez
nous.
Or, la petite étude nécessairement incomplète
que nous avons réalisée, montre que la
pénétration dont certaines organisations
libertaires ont été victimes ne peut
être considérée comme un <<
épiphénomène >> négligeable.
Le savoir, expliquer précisément ce qui
s'est passé dans tel ou tel cas, n'est pas un
aveu de faiblesse, mais constitue, à nos yeux,
un avertissement pour l'avenir.
Parce que nous refusons les explications simplistes
du genre : << les extrêmes se rejoignent
>>, ou << c'est une manipulation des réformistes
pour affaiblir les révolutionnaires >>,
nous avons essayé de comprendre ce qui a bien
pu se passer. Comprendre pour nous ne signifie évidemment
pas accepter ou partager, mais expliquer. Un raisonnement,
fut-il aberrant, a sa logique qui peut séduire
certains, notamment des << intellectuels >>
anticonformistes à la recherche d'idées
<< inédites >>. En << déconstruisant
>> un discours, en écoutant comment certains,
avec le recul, essaient de justifier leur dérive,
on se fait une idée de ce qui a pu leur arriver.
Il y a sans doute des leçons à tirer de
cette lamentable histoire. D'abord que certaines sectes
<< gauchistes >> ou << libertaires
>> ont tendance à vivre dans un monde
imaginaire. Leurs membres essaient certes d'échapper
à l'idéologie dominante, aux idées
reçues, aux mensonges de la presse et de l'histoire
officielle... mais ces efforts ne les empêchent
pas de tomber dans un univers de chimères où
la parole d'un chef, d'un maître à penser,
remplace le libre arbitre et la recherche de la vérité.
Il n'y a pas de recette miracle permettant d'éviter
les aberrations que nous allons décrire. Mais
savoir comment de telles dérives furent possible
devrait, nous l'espérons, rendre nos lecteurs
attentifs et méfiants vis-à-vis des explications
trop faciles et prétendument << ultra-subversives
>> que certains charlatans de la pensée
essayeront certainement, une fois ou l'autre, de leur
vendre.
Notes :
1 Le qualificatif de négationniste convient mieux
à ceux qui nient la réalité de
l'extermination des juifs d'Europe durant la deuxième
guerre mondiale, que celui de révisionniste
dont ils s'affublent. Ces gens-là prétendent
que les historiens révisent périodiquement
leurs théories, ce qui est vrai : de nouvelles
interprétations du passé sont fréquentes,
des éléments nouveaux peuvent aussi modifier
notre vision des choses, mais cela ne signifie pas
que l'on puisse nier les faits avérés
et raconter n'importe quoi.
2 J.-M. Raynaud, Révisionnisme, négationnisme...
Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! in Le
Monde libertaire no 1091 du 11 au 17 septembre 1997.
Paul Rassinier, le père du << révisionnisme
>>
A l'origine du courant << négationniste
>> on trouve un personnage sur lequel il faut
s'arrêter : Paul Rassinier. Pacifiste intégral,
militant communiste, socialiste, puis anarchiste, Rassinier
allait mener une double vie, dans les années
cinquante-soixante, en écrivant aussi bien dans
des journaux de gauche, pacifistes et anarchistes que
dans des publications d'extrême-droite. Cette
double identité l'accompagna jusque dans sa
mort, en juillet 1967, à l'occasion de laquelle
il y eut deux oraisons funèbres : l'une fut
prononcée à Paris par l'écrivain
fasciste Maurice Bardèche devant un parterre
d'extrême-droite ; l'autre, lue au cimetière
de Brémont (Territoire de Belfort), était
de la plume du vieux camarade pacifiste Emile Bauchet
qui s'exprimait << au nom de ses amis socialistes
et pacifistes >> 1.
Lorsque nous nous sommes penchés sur le cas Rassinier,
nous avons surtout consulté Comment l'idée
vint à M. Rassinier de Florent Brayard. Nous
étions déjà étonnés
de voir qu'un ouvrage aussi détaillé
ait été réalisé sur les
livres, les articles et la correspondance de ce vaniteux
2 qui, malgré ou à cause de son expérience
de la déportation, s'était enfoncé
dans l'erreur... dans l'abjection négationniste.
Ainsi, nous sommes encore plus surpris de découvrir,
au moment d'achever ce dossier, qu'une seconde biographie
de Rassinier vient de paraître. L'ouvrage de
Nadine Fresco, que nous n'avons fait que survoler,
apparaît comme un monument d'érudition.
Plutôt que d'étudier à fond son
<< oeuvre >>, comme l'a fait Brayard, Fresco
s'est efforcée de comprendre le contexte qui
a permis la Fabrication d'un antisémite. Elle
a consulté de très nombreux témoins
et nous ne pouvons que conseiller la lecture de son
ouvrage 3. Pourtant, nous sommes restés sur
notre faim sur un point précis qui reste en
partie à résoudre : comment la dérive
de Rassinier a pu se poursuivre et faire des émules,
sans qu'une réaction rapide, forte et surtout
définitive ne se manifeste dans les courants
pacifistes et libertaires qu'il fréquentait.
Résistant non-violent, Rassinier fut arrêté
par la Gestapo en novembre 1943, torturé (il
eut un rein éclaté et fut déclaré
invalide à la libération), il fut déporté
à Buchenwald puis à Dora où il
passa 14 mois. Son séjour en camp de concentration
fut particulier, atypique, car Rassinier allait y passer
plusieurs mois à l'infirmerie : une chance rarissime
due semble-t-il à la compassion d'un médecin
hollandais. Il paraît avoir aussi bénéficié
d'une << planque >> comme ordonnance d'un
officier SS. Faut-il parler à son propos de
<< syndrome de Stockholm >> 4 ? En tout
état de cause quand, à partir de 1949,
il se met à écrire des livres sur son
expérience de la déportation, il tend
à minimiser la responsabilité des nazis,
en faisant reposer l'essentiel des horreurs des camps
sur les Kapos 5, notamment les Kapos membres du parti
communiste.
Rassinier était-il aveuglé par son expérience
personnelle des camps ? 6 Etait-il victime de son anticommunisme
viscéral ? Exclu du PC en 1932, il devint alors
socialiste. Elu à la deuxième Constituante
de 1946 pour la Fédération socialiste
du Territoire de Belfort, il fut battu, lors de l'élection
suivante, par le radical Pierre Dreyfus-Schmidt allié
aux communistes... D'un autre côté, le
pacifiste Rassinier considérait comme une attitude
belliciste le fait d'accabler l'Allemagne. Il pensait
que la situation était semblable à celle
qui avait suivi la guerre de 14-18 et qu'il fallait
tourner la page pour éviter un nouveau conflit
mondial.
Les doutes que Rassinier manifeste vis-à-vis
des chambres à gaz jouent un rôle mineur
dans ses premiers écrits. D'abord, il ne nie
pas leur existence, il minimise : << Mon opinion
sur les chambres à Gaz ? Il y en eut : pas tant
qu'on le croit. Des exterminations, il y en eut aussi
: pas tant qu'on ne l'a dit >> 7. Il pensait
aussi que le massacre n'avait pas été
ordonné d'en-haut, mais plutôt par <<
un ou deux fous parmi les SS >>, aidés
de quelques Kapos...
L'affaire va prendre de l'ampleur avec la préface
de son deuxième livre, Le Mensonge d'Ulysse
(1950), pour laquelle il fait appel à une sorte
de pamphlétaire provocateur : Albert Paraz,
dont la principale préoccupation était
alors de faire réhabiliter l'écrivain
Céline 8. Paraz repère tout de suite
la dimension iconoclaste des propos de Rassinier ;
il proclame : << Seul un extraordinaire masochiste
peut s'aviser d'écrire, maintenant, que les
témoignages sur les chambres à gaz ne
sont pas tout à fait assez concluants, pour
son goût [...]. C'est de la dynamite. >>
9
Sans la préface de Paraz, le livre de Rassinier
aurait encore pu paraître relativement anodin,
un témoignage partiel 10 et partial, une analyse
subjective des camps. Avec cette préface, la
mise en scène d'un Rassinier brisant le <<
mythe >> des chambres à gaz est déjà
en place. Le piège allait se refermer suite
à un incident à l'Assemblée Nationale
où l'on débattait d'un projet d'amnistie
concernant les << épurés >>.
Un député, évoquant le compte-rendu
du Mensonge d'Ulysse trouvé dans une revue d'extrême-droite
lança la phrase fatidique : << Il paraît,
mes chers collègues, qu'il n'y a jamais eu de
chambres à gaz dans les camps de concentration
! >> 11
L'hypothèse de la prétendue inexistence
des chambres à gaz selon Rassinier était
devenue une affaire d'Etat. Pour ne pas se dédire,
Rassinier allait poursuivre ses << recherches
>> en étudiant uniquement les éléments
pouvant aller dans ce sens. Dans les livres qu'il écrivit
par la suite, il se mit à débusquer les
contradictions des témoignages sur les camps.
Il discuta des chiffres comme un épicier, affirmant,
par exemple, que la surface des salles de gazage ne
correspondait pas au nombre de personnes qui y avaient
été assassinées, etc. Les seules
<< preuves >> acceptables à ses
yeux auraient été une lettre écrite
de la main du Führer ordonnant l'anéantissement
des juifs, ou peut-être une victime revenue à
la vie... Mais de telles preuves n'existent pas 12.
L'engagement de Rassinier sur la pente fatale du négationnisme
allait être grandement facilitée par ses
nouveaux amis. Nous avons vu le cas de Paraz, il y
en eut d'autres. En 1950, Rassinier entre en contact
avec Maurice Bardèche. Attaché à
réhabiliter son beau-frère Robert Brasillach
fusillé à la libération, Bardèche
a pris la défense de la collaboration et du
régime de Vichy contre la résistance
<< criminelle >>. Son livre Nuremberg ou
la terre promise (1948) est une sorte de plaidoyer
en faveur de l'Allemagne nazie présentée
comme un rempart contre le communisme. Dans le second
volume de Nuremberg 13, il va longuement citer les
propos de Rassinier, dont il fait un portrait élogieux.
Rassinier était doublement victime, prétendait
Bardèche, des camps et de son honnêteté.
Extrêmement sensible à la flatterie, peut-être
est-ce sous l'influence de Bardèche que Rassinier
va tenir des propos de plus en plus négationnistes
? Il faut aussi évoquer la figure de Henri Coston,
un nazi de première catégorie, véritable
activiste, éditeur avant guerre du Protocole
des sages de Sion 14, associé aux services secrets
de propagande allemands sous Vichy, condamné
comme collaborateur aux travaux forcés à
perpétuité en 1947, mais libéré
au début des années cinquante. Coston
qui va rééditer Le mensonge d'Ulysse
de Rassinier en 1955, aura sur ce dernier une influence
certaine. Le Parlement aux mains des banques de Rassinier,
publié en octobre 1955 dans un numéro
spécial de << la petite revue anarcho-pacifiste
A contre courant >> 15 est très largement
inspiré par Les financiers qui mènent
le monde de Coston. A partir de là, Rassinier
va également adopter des postures antisémites,
et chacun des nouveaux livres de ce vieil homme malade
au sens propre comme au sens figuré constituera
un pas de plus vers les thèses de l'extrême-droite
16. Dans ces milieux, il était le déporté
<< providentiel >>. Par exemple, en 1960,
quand il fut sollicité par son éditeur
allemand pour faire une tournée de conférences,
il enchanta des parterres de nazis non repentis, bienheureux
de voir un ancien déporté leur expliquer
qu'ils avaient été moins criminels qu'ils
ne le pensaient.
Peu de temps avant sa mort, Rassinier se trouvera un
disciple en la personne de Robert Faurisson. Cet individu
aux idées d'extrême-droite, professeur
de littérature, est l'inventeur d'une méthode
d'analyse littéraire à même le
texte << sans aucun recours à la biographie,
(...) sans l'aide de considérations historiques,
sans se soucier des déclarations de l'intéressé
sur son oeuvre... >> 17. Après la disparition
de Rassinier, Faurisson va prendre le relais et continuer,
avec sa méthode d'analyse littéraire,
la << recherche >> visant à prouver
l'inexistence des chambres à gaz dans les camps
nazis, << oeuvre >> qu'il poursuit de nos
jours.
Rassinier chez les libertaires
Voyons maintenant brièvement la carrière
libertaire de Paul Rassinier. En 1950, dans Le libertaire
du 11 novembre, paraît une critique acerbe du
livre Le mensonge d'Ulysse réalisée par
un autre déporté René Michel (Robert
Meignez) qui refuse de dédouaner les SS de leurs
crimes en accablant les Kapos. Mais on y apprend aussi
que le livre de Rassinier est << en vente au
<< Libertaire >> >>. Une polémique
va s'engager dans les numéros suivants, dans
le cadre de laquelle Rassinier défendra son
point de vue 18.
Exclu du parti socialiste SFIO en 1951, Rassinier devait
rejoindre la Fédération anarchiste (FA)
dans le courant des années cinquante. Il fut
membre du groupe Elisée-Reclus de Nice vers
1957-1959, puis du groupe local de la FA d'Asnières
jusqu'au début des années soixante. Les
journaux pacifistes et libertaires de ces années-là
(le Monde libertaire, la Voie de la Paix, Contre-Courant,
Défense de l'homme) contiennent un certain nombre
de ses articles, notamment sur des questions économiques.
Mais une fois au moins, il y exprima certaines de ses
idées fascistoïdes et << révisionnistes
>>. En 1953, Rassinier écrivait dans le
journal pacifiste de Louis Lecoin Défense de
l'homme << A propos du procès de Nuremberg
et de ceux qui lui ont fait cortège, ces gens
qui se prétendent de gauche ont laissé
à Maurice Bardèche le soin de reprendre,
sur la guerre, les idées qui au lendemain de
celle de 1914-1918, furent si brillamment illustrées
par Mathias Mohrardt, Michel Alexandre, Romain Rolland,
Marcel Martinet, etc. Et à propos d'Oradour,
ils ont laissé à un curé, l'archevêque
Rastouil, de Limoges, le beau geste qui a consisté
à refuser d'aller témoigner pour le compte
de l'accusation, en invoquant la charité chrétienne
qui lui interdisait de participer de quelque façon
que ce soit à cette abominable campagne d'excitation
à la haine... >>. Dans le même article,
à propos des expériences << médicales
>> pratiquées par les nazis sur les détenus
dans le camp alsacien du Struthof, il recherche les
contradictions des témoins pour conclure <<
Alors, je pose à nouveau la question que je
posais déjà dans Le Passage de la Ligne
et Le Mensonge d'Ulysse : si on ne peut mettre que
87 morts au compte des expériences médicales,
comment et pourquoi sont morts les autres ? >>
19
Aux alentours de 1959-1960, Rassinier semble avoir joué
un rôle significatif au sein de la Fédération
anarchiste. On trouve plusieurs de ses textes dans
les bulletins internes de cette organisation. Dans
le numéro d'avril 1960, par exemple, est reproduite
une importante correspondance entre Rassinier et Maurice
Fayolle sur le thème << révolte
et révolution >> 20. A l'occasion du Congrès
de Trélazé des 4, 5 et 6 juin 1960, une
lettre de Rassinier, absent, est lue à l'assemblée.
A la suite de quoi, les congressistes débattent
de certains de ses arguments 21.
L'histoire veut que Rassinier ait été
démasqué en 1961 par Maurice Laisant,
le secrétaire de la FA, qui l'aurait fait demander
à la rédaction de la revue d'extrême-droite
Rivarol où il écrivait sous un faux nom
22.
En fait, la FA avait été interpellée
par des libertaires allemands qui eux avaient su lire
et comprendre le véritable sens du Mensonge
d'Ulysse. Dans le courrier adressé au congrès
de la FA de Monluçon 1961, et publié
dans le Bulletin intérieur de la FA, ils demandaient
tout d'abord << s'il y a une parenté quelconque
entre P. Rassinier qui fréquente les milieux
anarchistes français et l'écrivain qui
vient de se faire éditer outre Rhin sous l'égide
du néo fasciste SS Karl Heinst Priester >>
23. En quelques lignes, les anarchistes allemands relèvent
ce qui fait l'absurdité du livre de Rassinier
: ses doutes sur les chambres à gaz, le fait
qu'il fait reposer la responsabilité des horreurs
sur les détenus eux-même... Ils se demandent
si les conditions de détention qu'il a connues
au camp de Dora ont pu l'aveugler au point de ne pas
voir les souffrances qui l'entouraient. Ils soulignent
combien la démarche de ce << témoin
capital >> qui prétend << prouver
que ce ne sont pas les assassins qui ont tort,... mais
les assassinés >> peut être utile
à un éditeur nazi. Et ils concluent en
revendiquant haut et fort leur droit de dénoncer
ce qu'il dit << comme un mensonge infâme
et une tentative pour blanchir les criminels SS >>.
A la suite de ce texte accusateur, figure une lettre
d'explication de Rassinier dans laquelle il fait preuve
d'un culot certain. Il rappelle que Le Mensonge d'Ulysse
publié en Allemagne est exactement le même
livre << qui a été soutenu en son
temps par la Fédération anarchiste et
Le Libertaire >> et affirme que les <<
soi-disant anarchistes allemands sont comme cul et
chemise avec les communistes >>. Il apporte certaines
précisions sur les chambres à gaz en
déclarant notamment qu'il n'y avait jamais
eu de chambrez à gaz sur le territoire de ce
que le National-Socialisme appelait le << Grand
Reich >> 24. Il nie le fait que son éditeur
allemand soit un ancien SS, mais dit aussi que peu
lui importe, car Julliard l'éditeur de Mendès-France
a aussi édité des pétainistes.
Concernant les quatorze conférences faites en
Allemagne, il dit y avoir invité << les
singuliers anarchistes >> qui l'accusent et qu'<<
ils ont décliné l'offre !!>> (Les
points d'exclamation sont d'origine). Enfin le journal
(d'extrême-droite) allemand dans lequel se trouve
une interview de lui << publie intégralement
ce qu'on lui dit, ce qui n'est pas le cas du Monde
libertaire... >>
Nous ne savons pas précisément comment
les militants de la FA résolurent le problème
qui leur était posé. En 1964, Le Monde
libertaire fit paraître une brève <<
mise au point >> précisant que <<
depuis 1961 il [Rassinier] n'appartient plus à
notre organisation >> 25. Mais la rupture ne
paraît pas avoir été claire et
nette pour tous. C'est en tout cas ce qu'on est en
droit de penser en voyant comment, en 1987, dans les
colonnes du Monde libertaire, le militant historique
Maurice Joyeux se remémore son ancien camarade.
Selon Joyeux, l'erreur du déporté Rassinier
est d'avoir dit toute la vérité sur les
camps et d'avoir refusé, à la différence
d'autres, d'être utilisé par les politiciens.
Joyeux qui proclame que Rassinier a été
son ami, affirme n'avoir << jamais mis en question
le Mensonge d'Ulysse [qu'il] considère comme
le meilleur, le plus mesuré et par sa nature
même, le plus crédible de tous les livres
écrits sur les camps de la mort >>. Signalant
pourtant le bon accueil qu'ils ont eu dans les milieux
d'extrême droite, Joyeux affirme que les ouvrages
de Rassinier << n'atténuent en rien la
barbarie nazie >>. Si à un moment donné
Rassinier a été rejeté par certains
libertaires, c'est parce qu'on ne lui pardonnait pas
ses origines politiques. Et << lorsqu'il s'éloignera
la séparation se fera sans accrocs. Ce qui ne
l'empêchera pas de conserver des relations amicales
avec un certain nombre de militants dont Lecoin, Louvet,
Prudhommaux et quelques autres >>. Sans nier
l'existence des chambres à gaz, Joyeux verse
malheureusement de l'eau au moulin du négationnisme
en écrivant : << En vérité
des millions d'hommes de toutes races, de toutes nationalités,
de toutes confessions ont disparu. De quelle manière
? On en discutera encore longtemps ; aussi longtemps
qu'il existera des politiciens ayant intérêt
à battre monnaie sur des cadavres >>.
26
C'est peut-être par ses côtés provocateurs
que Rassinier était parvenu à séduire
certaines franges du mouvement libertaire. Les différents
procès en diffamation qui l'opposaient à
d'anciens déportés devenus députés
lui faisaient une réputation sulfureuse. Et
puis, tous les libertaires n'étaient pas sortis
grandis de la guerre. Il y avait eu des résistants
bien sûr, mais d'autres étaient restés
attentistes ou avaient même collaboré,
pensant que tout, même une paix fasciste, valait
mieux que la guerre. Les arguments d'un Rassinier,
ancien résistant, les confortaient dans leurs
choix passés. Il faut dire à leur décharge
que Rassinier avait aussi ses défenseurs dans
d'autres milieux réputés de gauche. Georges
Lefranc, historien du socialisme et du syndicalisme
27, saluait régulièrement les publications
de Rassinier et de Coston dans La République
libre 28 de Paul Faure.
Rassinier perdit finalement presque tous ses soutiens
en milieu libertaire et pacifiste en 1964, quand il
intenta un procès à la Ligue internationale
contre l'antisémitisme qui l'avait traité
d'<< agent de l'Internationale nazie >>.
Il venait en effet d'être refoulé d'Allemagne
à cause de ses fameuses conférences dans
les milieux d'extrême-droite. Rassinier non seulement
perdit son procès, mais ses mésaventures
allemandes et sa collaboration à Rivarol firent
la une des journaux. Pourtant, il parvint encore à
tromper un petit groupe libertaire, l'Alliance ouvrière
anarchiste (AOA) qui, par manque d'information ou par
amitié, l'accueillit dans ses rangs.
Des << anarchistes >> providentiellement
négationnistes
L'AOA est à l'origine le produit d'une scission
de la Fédération anarchiste. Elle s'est
constituée le 25 novembre 1956 à Bruxelles.
Dans son texte fondateur, elle se présente comme
une coordination qui << se REFUSE A ORGANISER,
c'est-à-dire à réglementer l'idée
commune de la liberté >>. Ce refus implique
notamment le rejet de tout système de vote.
Par ailleurs l'AOA considère que la lutte des
classes << est à présent dépassée
>>. Pour l'AOA, l'ennemi c'est la hiérarchie,
<< y compris la hiérarchie des valeurs
et la soi-disant compétence >>. A l'origine,
l'AOA regroupait des gens qui avaient été
échaudés par les différentes prises
de pouvoir qui s'étaient manifestées
dans la Fédération anarchiste pendant
cette période particulièrement trouble
de son histoire. Ils reprochaient aux dirigeants de
la FA d'être des bourgeois et surtout des francs-maçons.
Nous ignorons pratiquement tout de l'histoire de l'AOA,
qui semble avoir végété jusqu'à
nos jours. Ce qui est clair, c'est qu'à un moment
donné le réseau ou le collectif (comment
appeler un groupe qui refuse toute forme d'organisation
?) s'est transformé en une officine négationniste.
A partir de la fin des années quatre-vingt,
son périodique L'Anarchie, journal de l'ordre,
s'est mis à servir à hautes doses à
ses lecteurs les thèses de Rassinier et de Faurisson.
L'hostilité vis-à-vis des francs-maçons
s'est transformée en lutte contre les Juifs
et les francs-maçons... le tout enrobé
de quelques déclarations de principes anarchistes
et de propos plus ou moins délirants sur les
malheurs du monde. Par exemple, on trouve sur la première
page du no 214 de L'Anarchie, deux éditoriaux
aux titres évocateurs. Le premier << Paul
Rassinier avait raison >> est signé Raymond
Beaulaton, le second << Halte au fascisme judéo-capitaliste
des Etats-Unis >> porte la signature de R.J.
Souriant. D'après Georges Fontenis, Beaulaton
et Souriant étaient une seule et même
personne 29 et ses lumineux articles où l'on
lit, par exemple, que les << judéo-capitalistes
américains (...) ont créé LEUR
racisme en voulant faire accroire qu'ils en étaient
eux les victimes >> seront les derniers qu'il
écrira, puisqu'il est décédé
le mois même de leur publication (octobre 1994).
Il reste à comprendre comment Beaulaton, ce cheminot
<< fils et petit-fils de militants socialistes...
qui fonda le 12 juillet 1940 l'un des premiers groupes
de << résistance antinazi >> de
l'Ouest... fondateur de la CNT française en
1947... Membre de la Fédération anarchiste
dès la reconstitution en 1944... >> 30
et bien sûr membre fondateur de l'AOA a pu connaître
une telle dérive. La réponse se trouve
peut-être du côté de L'Homme libre
de Saint-Etienne qui avec d'autres feuilles telles
que Libre examen de Didier Pomares (Perpignan), Kontestation
anarchiste (Caen) ou C'est un rêve (Marseille),
appartient au même réseau << anarcho-fasciste
>>. Nous ne reviendrons pas sur le contenu de
ce trimestriel particulièrement répugnant
dont nous avions déjà parlé en
1995 dans L'Affranchi no 10. Mais il n'est pas inutile
de savoir que la dérive fasciste et antisémite
de L'Homme libre qui date de 1967-1968 est antérieure
à celle de L'Anarchie. Son directeur, Marcel
Renoulet, et Serge Ninn, un des collaborateurs, ont
appartenu au mouvement libertaire (et à l'AOA
pour Renoulet), mais on ne peut pas en dire autant
d'autres plumitifs de ce journal : Robert Dun est un
ancien membre de la Waffen SS, quant à Bernard
Lanza (qui écrivait aussi parfois dans L'Anarchie),
il collabore à diverses publications d'extrême-droite
et il est considéré comme l'un des théoriciens
des Faisceaux nationalistes européens, un groupe
qui organise chaque année, le 20 avril, un banquet
pour commémorer la naissance d'Adolf Hitler
31.
Le fait d'avoir côtoyé Rassinier a pu favoriser
la dérive de quelques vieux anars isolés,
enfermés dans leur sectarisme et ayant perdu
tout ancrage dans le présent. Mais on peut craindre
aussi qu'ils furent bien aidés par quelques
authentiques nazis, intéressés à
avoir avec eux de ces libertaires providentiels 32
à la Rassinier pour donner un peu de substance
et de piquant à leurs discours puants...
De l'affaire Faurisson à La Guerre sociale
Les thèses de Rassinier refont surface à
la fin des années soixante-dix et au début
des années quatre-vingt, à la suite de
ce qu'on a appelé l'<< affaire Faurisson
>>.
En 1978, Faurisson publie dans le journal Le Monde,
un texte intitulé Le problème des <<
chambres à gaz >> ou la << rumeur
d'Auschwitz >>. Des historiens vont répondre
à cet article par une déclaration 33
dans laquelle ils écrivent qu'il ne saurait
y avoir de débat sur l'existence des chambres
à gaz. A partir de là, deux camps vont
apparaître mettant face à face ceux qui
soutiennent Faurisson et ceux qui s'y opposent. Le
front du soutien n'est pas uni et va de ceux qui partagent
les idées de Faurisson à ceux qui défendent
uniquement son droit à les exprimer, en passant
par la position intermédiaire de ceux qui se
disent << troublés >> par ses thèses.
Ce front n'est pas, non plus, idéologiquement
uniforme. Aux côtés des négationnistes
d'extrême-droite de toujours qui travaillent
à réhabiliter le régime national-socialiste
allemand, se trouvent des individus classés
à gauche. C'est le cas de Noam Chomsky, sommité
universitaire américaine, proche des idées
libertaires, qui manifeste un soutien de principe au
nom de la liberté d'expression. Après
quoi, un de ses textes va servir de préface
à un livre de Faurisson 34. Nous ne nous arrêterons
pas sur les péripéties qui émailleront
cette affaire dans l'affaire 35. Remarquons juste qu'à
cette occasion Chomsky s'est avéré fort
utile aux négationnistes, surtout médiatiquement,
démontrant la capacité de ces derniers
à faire feu de tout bois lorsqu'il s'agit de
faire parler d'eux-mêmes et de leurs idées.
A la même époque, un soutien autrement
plus prononcé aux thèses négationnistes
va se manifester dans certains milieux révolutionnaires
parisiens, notamment autour de Pierre Guillaume. Ce
personnage qui tire prestige de son rôle d'ancien
animateur de la librairie La Vieille Taupe (1965 à
1973), alors point de ralliement de tout un courant
ultra-gauche 36, va amener cette question au premier
plan des préoccupations d'une partie de ce milieu
37.
Au départ, Guillaume couvre son action du paravent
révolutionnaire, mais à partir du milieu
des années quatre-vingt, le soutien et la promotion
active des idées négationnistes, côte
à côte avec des néo-nazis, deviendront
sa principale occupation éditoriale et militante
avec, par exemple, la publication du livre de Roger
Garaudy Les Mythes fondateurs de la politique israélienne.
Peu de ses anciens amis le suivront jusque là.
Néanmoins, l'intérêt pour le négationnisme
aura occupé pendant plusieurs années
certains groupes et individus du milieu ultra-gauche.
Les gens dont nous allons parler maintenant ne sont
pas devenus des néo-nazis, mais ils ont trouvés
dans les idées négationnistes un renfort
inespéré pour valider leur vision de
l'histoire de la seconde guerre mondiale. <<
C'est la revue La Guerre sociale qui porta le débat
dans toute l'ultra-gauche >> 38, par la publication
de textes comme De l'exploitation dans les camps de
concentration à l'exploitation des camps, daté
de juin 1979. Dans La Guerre sociale, on étale
complaisamment les thèses de Rassinier minimisant
l'ampleur du génocide (il avançait le
chiffre d'un million et demi de morts juifs) et on
nie la volonté nazie d'extermination des Juifs,
parce que cela rend crédible une théorie
qui affirme que la guerre de 1939-1945 avait pour objectif
de résoudre les contradictions du capitalisme
et que le fascisme était l'arme de la bourgeoisie
pour soumettre le prolétariat.
Ces théories essaient de faire << entrer
>> les événements de 1939-1945
dans un schéma marxiste. Elles ne sont pas nouvelles
et hantent une partie de la gauche communiste au moins
depuis la publication en 1960 du texte bordiguiste
39 Auschwitz ou le grand alibi. Dans ce texte fondateur,
on trouve la base théorique à laquelle
les << révisionnistes de gauche >>
vont intégrer les thèses négationnistes.
La Guerre sociale reprend à son compte des passages
entiers du texte bordiguiste, lorsqu'il s'agit de présenter
son explication du génocide des Juifs. On y
lit : << la petite bourgeoisie a << inventé
>> l'antisémitisme. Non pas tant, comme
disent les métaphysiciens, pour expliquer les
malheurs qui la frappaient, que pour tenter de s'en
préserver en les concentrant sur un de ses groupes.
A l'horrible pression économique, à la
menace de destruction diffuse qui rendaient incertaine
l'existence de chacun de ses membres, la petite bourgeoisie
a réagi en sacrifiant une de ses parties, espérant
ainsi sauver et assurer l'existence des autres. L'antisémitisme
ne provient pas plus d'un plan << machiavélique
>> que d'<< idées perverses >>
: il résulte directement de la contrainte économique.
La haine des Juifs, loin d'être la raison a priori
de leur destruction, n'est que l'expression de ce désir
de délimiter et de concentrer sur eux la destruction
>> 40. Si on suit ce raisonnement, considérer
l'anéantissement de la population juive comme
le résultat d'<< une volonté consciente,
d'une préméditation et même d'une
programmation, c'est renverser la réalité
>> 41. Pour les auteurs de cet article, l'Etat
nazi n'était que le << simple gestionnaire
du capital >>. Dans cette perspective, les prétendues
<< découvertes >> sur les chambres
à gaz de Rassinier et de Faurisson apportaient
la << preuve >> de la non-spécificité
de l'État nazi et permettaient aux <<
théoriciens >> de La Guerre sociale de
déduire que les démocraties ne sont pas
très différentes du régime nazi.
Dans cette affaire, l'ultra-gauche n'a pas <<
travaillé >>, à la façon
de Rassinier ou de Faurisson, sur la question du génocide
et des chambres à gaz. Elle s'est contentée
d'utiliser les travaux de ces derniers. Ce n'est pas
la négation du génocide en tant que tel,
qui semble avoir intéressé ces prétendus
<< révolutionnaires de gauche >>
en priorité. Mais le fait que cette négation
permettait de fabriquer une << réalité
>> qui s'accordait avec leur théorie.
Ce qui est surprenant, c'est que ceux-ci aient montré
un pareil enthousiasme à s'emparer d'une thèse
dont ils savaient qu'elle était l'un des chevaux
de bataille de l'extrême-droite française
: ils savaient que les écrits de Rassinier avaient
été publiés par des éditeurs
d'extrême-droite. Avec leur << astuce >>
coutumière, ils déclarent, dans De l'exploitation...
que ceux qui tirent argument de ce fait << sont
ceux qui auraient voulu qu'il ne soit jamais publié
>>. Ils manifesteront la même complaisance
à l'égard de Faurisson et de ses amis
nazis.
Le << résultat >> obtenu par La Guerre
sociale n'a pas été de ruiner la <<
version officielle >> de la seconde guerre mondiale,
comme ils l'imaginaient, mais de sortir les idées
négationnistes du ghetto des nostalgiques du
Troisième Reich, pour les offrir à un
nouveau public, tout en apportant une caution <<
gauchiste >>. Si, au départ, le public
n'est que de quelques dizaines de personnes, le relais
assuré par les médias (Le Monde, Libération,
Golias, etc.), attirés par le << scoop
>> que constitue cette variante négationniste
de gauche, va largement élargir cette audience
via un beau succès de scandale qui est, aujourd'hui
encore, exploité par les négationnistes,
notamment sur leurs sites Internet. Dans toute cette
opération, ces derniers, et plus largement l'extrême-droite
dans son entier, sont les seuls qui retirent de véritables
bénéfices : leurs théories ont
été propulsées sur le devant de
la scène et ont permis de semer la confusion
dans les rangs de l'extrême-gauche.
Libertaires et ultra-gauche... ou quand Reflex sème
la confusion
En 1996, Reflex, maison d'édition antifasciste
radicale, publie Libertaires et ultra-gauche contre
le négationnisme. Ce livre va relancer la polémique.
Selon ce qu'on peut lire dans sa postface, il se propose
de << comprendre ce qui a entraîné,
à la fin des années soixante-dix, d'autres
camarades à sombrer dans le négationnisme
et l'antisémitisme plus ou moins avoués
[...] pour porter la critique à la racine des
conceptions politiques et théoriques de cette
dérive >> 42.
A l'examen, l'ouvrage pose plusieurs problèmes
au lecteur. Tout d'abord, son titre n'a pas grand chose
à voir avec son contenu. En fait, le livre est,
pour l'essentiel, une entreprise de justification réalisée
par deux personnes mises en cause pour leur participation
à La Guerre sociale et à une autre revue
intitulée La Banquise. Ces personnes signent
deux des trois textes du recueil : Serge Quadruppani
est l'auteur de Quelques éclaircissements sur
La Banquise et Gilles Dauvé, celui de Bilan
et Contre-Bilan. Ces textes se veulent une critique
du << schématisme marxeux >>, dont
nous avons vu un échantillon avec le texte De
l'exploitation dans les camps de concentration à
l'exploitation des camps, qui devait conduire des <<
ultra-gauche >> à embrasser les thèses
négationnistes. Mais cette critique ne va pas
sans de graves contradictions, omissions et demi-vérités
dans les propos tenus et sur le rôle de ces auteurs
dans cette dérive.
Quand Serge Quadruppani parle de sa rupture avec La
Guerre sociale dès 1980, il ne dit pas qu'en
1979, lors de la publication dans le no 3 de l'article
De l'exploitation... il en faisait encore partie et
ne semblait pas marquer de désaccord concernant
l'intérêt puissant et nullement critique
de la revue pour les thèses de Faurisson 43.
Il précise qu'alors, il n'avait pas lu Rassinier.
Faut-il croire qu'il ne savait pas de quoi parlait
le texte publié par la revue dont il était
un des principaux animateurs ? N'avait-il pas lu les
passages de De l'exploitation... faisant état
de la << rumeur des chambres à gaz [qui]
se développe à l'intérieur des
camps de concentration >> ? Ignorait-il qu'à
la question : << Pourquoi tant [de juifs] sont
morts ? >>, La Guerre sociale répondait
: << parce qu'ils ont péri de faim, de
mauvais traitements, et aussi parce qu'on les a exécutés.
Mais les preuves d'un massacre délibéré
sont plus que sujettes à caution >>.
Concernant La Banquise, Quadruppani se félicite
que ses rédacteurs aient été <<
parmi les premiers, dans le micro-milieu << ultra-gauche
>> à [s'] être opposés à
la dérive négationniste >>. Est-ce
à dire que toute l'ultra-gauche était
<< contaminée >> ? Certainement
pas : Jacques Baynac, un des créateurs de la
première Vieille Taupe, qu'il quitta dès
1969 pour désaccord avec Guillaume, dénonce
<< << la camelote nazie >> d'une
certaine ultra-gauche dans Libération du 25
octobre 1980 >> 44.
Sur la Banquise
Le premier numéro de La Banquise date de 1983.
Il est vrai que le propos de cette revue s'éloigne
lentement de celui de La Guerre sociale. Ainsi, on
n'y présente plus les idées de Rassinier,
reprises par Faurisson, comme de grandes découvertes
révolutionnaires. On reconnaît qu'<<
il y a eu massacre d'un grand nombre de Juifs parce
que Juifs >> et, << après avoir
[enfin ? ndlr] examiné de plus près le
travail scientifique de Faurisson >>, on n'est
<< plus si sûrs >> de l'exactitude
de l'affirmation de Faurisson : << Hitler n'a[it]
jamais ordonné l'exécution d'un seul
Juif par le seul fait qu'il fût Juif >>
45. Mais la rupture n'est pas nette et la fausse question
des chambres à gaz continue d'être servie
par les rédacteurs de la revue : << que
les chambres à gaz aient eu ou non une existence
concrète nous importe peu. Elles existent aujourd'hui,
comme elles ont existé au minimum pour les déportés,
c'est-à-dire comme image issue d'une horrible
réalité >>. Sur ce point précis,
La Banquise tente de régler le problème
en l'évitant : selon ses rédacteurs,
le mode d'élimination ne compte pas, car il
ne change rien à une horreur telle qu'elle a
pu << au minimum >> créer une image
qui s'est imposée << avec tant de force
à tant de gens >>.
Quadruppani parle maintenant, à ce propos, d'un
<< manque de compréhension historique
>> qui les a conduit à passer à
côté du fait << que l'aspect froidement
technique et administratif des chambres à gaz
introduisait une nouveauté radicale >>.
Parler d'aveuglement et de mensonge serait plus exact.
Il met cette << erreur >> sur le compte
du << mauvais usage de deux bons principes :
la méfiance à l'égard des experts
officiels et la confiance accordée aux amis
(en l'occurrence, P. Guillaume) >>. Outre le
fait que l'on peut se demander à quoi peuvent
servir de << bons principes >> dont on
peut faire un usage aussi désastreux, cela excuse-t-il
d'avoir ignoré des faits historiques connus
et d'avoir attaché de l'importance aux conclusions
de << l'expert non-officiel >>, qu'était
Faurisson ? En fait, Quadruppani estime qu'il aurait
suffit dans La Banquise << d'un paragraphe pour
dire que Faurisson était un hurluberlu dangereux
qui développait une argumentation antisémite
[et] l'affaire aurait été réglée
>>. Mais visiblement, il était loin de
penser cela, à l'époque. En effet, Faurisson
le passionnait encore tant, qu'il ira jusqu'à
publier des pages entières des lettres inédites
de celui-ci dans son livre Catalogue du prêt
à penser depuis 68 46 en annexe à un
texte consacré aux idées du personnage.
Quadruppani explique cette << rupture molle >>
par le fait qu'à La Banquise << on prenait
[...] son temps pour traiter de toutes sortes de questions,
en utilisant le savoir de spécialistes >>.
Pourtant, tout dans leur attitude de l'époque
montre qu'ils ont méprisé le savoir des
historiens. D'ailleurs, Quadruppani se contredit dans
la suite du texte, lorsqu'il reconnaît qu'un
<< effort documentaire minime [leur] aurait montré
ce qu['ils ont] depuis pris le temps de vérifier,
à savoir que sur ce sujet-là comme sur
le reste, Faurisson est un faussaire >>. Quant
à ce qui est de << prendre son temps >>,
Quadruppani et son équipe l'ont visiblement
largement pris puisque les cinq années écoulées
entre le début de l'affaire Faurisson en 1978
et le numéro 2 de La Banquise de 1983 ne leur
ont pas suffit pour trouver une vérité
connue de tous !
Du génocide... à la sécurité
sociale
Quand Dauvé revient en 1996, dans Bilan, contre-bilan,
sur le texte bordiguiste Auschwitz ou le grand alibi
dont nous avons vu le rôle dans la constitution
de la théorie que va développer La Guerre
sociale sur la seconde guerre mondiale il ne défend
plus ce texte qu'il estime << borné >>,
mais il refuse d'y voir << l'origine des dérives
négationnistes ultra-gauches >>, car,
écrit-il, ce texte << ne nie nullement
l'antisémitisme systématique des nazis
>>. C'est une façon de jouer sur les mots.
En effet, ce texte explique l'extermination des Juifs
par la volonté de la petite bourgeoisie allemande
menacée de disparition à cause de la
crise économique et de la concentration du capital
de se sauver en supprimant la petite bourgeoisie juive.
Alors, << La haine des juifs, loin d'être
la raison a priori de leur destruction, n'est que l'expression
[du] désir de délimiter et de concentrer
sur eux la destruction >>. Dans ce schéma,
les nazis ne sont plus que les exécutants d'une
nécessité historique résultant
<< directement de la contrainte économique
>> et les Juifs ne sont pas exterminés
parce que Juifs. On voit que si cette conception n'est
pas négationniste, elle prépare bien
le terrain au discours faurissonien sur les chambres
à gaz, en niant l'importance de l'antisémitisme
dans l'idéologie nationale-socialiste et la
volonté nazie d'extermination des Juifs.
Il est, par ailleurs, assez cocasse de voir Dauvé
railler << les bordiguistes [qui] ont brodé
pendant des dizaines d'années >> sur ce
thème, alors que lui-même a publié
Auschwitz... au début des années septante
dans son bulletin Le Mouvement communiste et que l'influence
de ce texte est encore massivement présente
dans la prétendue réflexion qu'il mènera,
avec Quadruppani, dans La Banquise. En atteste la formule
de l'article L'Horreur est humaine : << Mis en
fiches et cartes par la Sécurité sociale
et tous les organismes étatiques et para-étatiques,
l'homme moderne juge particulièrement barbare
le numéro tatoué sur le bras des déportés.
Il est pourtant plus facile de s'arracher un lambeau
de peau que de détruire un ordinateur >>
47 qui rappelle directement le passage suivant extrait
d'Auschwitz ou le grand alibi : << Si on montre
les abat-jour en peau d'homme, c'est pour faire oublier
que le capitalisme a transformé l'homme vivant
en abat-jour. Les montagnes de cheveux, les dents en
or, le corps de l'homme mort devenu marchandise doivent
faire oublier que le capitalisme a fait de l'homme
vivant une marchandise >>.
Concernant L'Horreur est humaine, Quadruppani reconnaît
que cet article << peut choquer >> par
son << arrogance et [son] goût polémique
>>. C'est un peu court pour le passage que nous
venons de citer. La comparaison est hallucinante :
comment peut-on comparer l'horreur infligée
aux Juifs à l'attribution d'un numéro
de sécurité sociale ? Le tatouage d'un
numéro sur le bras des Juifs faisait partie
d'un processus devant conduire à leur élimination
physique, ce qui n'est pas le cas pour l'assuré
social ! Tenter d'excuser ces propos au nom d'un mauvais
goût << si présent en milieu radical
>> n'est pas acceptable ; pas plus que de les
justifier, comme le fait Quadruppani, en prétendant
qu'il s'agissait, à l'époque, de nier
<< qu'il puisse y avoir une horreur absolue,
plus horrible que toutes les autres >> 48. Ce
n'est pas du tout le sens de ce passage qui empêche
toute définition de ce qu'est une horreur en
classant sous ce terme des choses totalement différentes.
A la fin, on en arrive à la conclusion délirante
que tout se vaut, la condition des Juifs victimes du
génocide et celle de l'assuré social,
au prétexte que tout le mal est dans le capitalisme.
La vérité n'est pas au rendez-vous
On le voit, sur des points essentiels, la vérité
est loin d'être au rendez-vous. A la place de
réelles explications, sont présentées
des excuses censées diminuer les responsabilités,
comme ce désir de choquer, d'être infréquentable,
dont nous venons de parler et qui revient sous la plume
de tous les auteurs du livre Libertaires et ultra-gauche
contre le négationnisme. C'est là-dessus
que Gilles Perrault base sa préface de l'ouvrage
en relevant que << l'ultra-gauche ne brille pas
toujours par le bon goût >> et possède
<< l'amour du paradoxe propre aux minorités
infimes >>. De plus, Perrault minimise l'importance
de << la formule choc, sinon chic >> au
prétexte qu'elle << n'épatera que
les cinq cents lecteurs d'une publication aussi éphémère
que confidentielle >>. Quadruppani insiste, lui
aussi, sur << la diffusion extrêmement
confidentielle >> de sa revue La Banquise.
En gros, on nous laisse entendre qu'au fond tout ce
qui pouvait bien s'écrire dans ces revues n'est
pas vraiment à prendre au pied de la lettre,
ni trop au sérieux, venant d'un milieu où
la << place [tenue par] l'amitié, le goût
des farces de potache et les beuveries [est] énorme
>> 49. Lavacquerie le troisième auteur
de Libertaires et ultra-gauche... souligne un laisser-aller
de rigueur dans des groupes dont << l'activité
révisionniste [...] se résumait à
2 % de théorie et 98 % de conversations de bistrots
et de querelles sémantiques >>. Comme
si cela ne suffisait pas, ce dernier n'hésite
pas à parler d'<< une grande niaiserie
>> chez ces << radicaux, tributaires de
leurs schémas mécanistes et hyper rationalistes
[qui] écrivirent tant de bêtises dogmatiques
sur la question des camps >>. Voilà brossé
un portrait peu reluisant de l'ultra-gauche par certains
de ses membres-mêmes. Ce qui ne les empêche
nullement, après s'être employés
à se disqualifier de pareille manière,
d'affirmer, comme Quadruppani le fait crânement,
avoir << sur l'essentiel [...] vu juste >>
!
De même, l'<< avocat de la défense
>> Lavacquerie invite à la lecture de
<< l'article passionnant de La Banquise no 2
qui explique très bien la genèse de l'embrouille
>>, alors que nous avons vu quel pénible
exercice de désembourbement était cet
article. Il faut dire qu'à son tour, Lavacquerie
n'hésite pas à présenter, dans
le corps même de son plaidoyer, des théories
catégoriques frappées au coin de l'approximation.
En effet, il renvoie dos à dos << les
révisionnistes et les tenants de la Shoah Business
>> qui ont << réussi à faire
de cette question une question maudite et sont les
piliers d'une idéologie biface où il
faut croire au mensonge juif ou à l'antisémitisme
naturel des goyim >>. Peut-on accepter de voir
présentés comme les deux faces d'une
même idéologie la Ligue contre le racisme
et l'antisémitisme (LICRA) et les négationnistes
? Certainement pas, parce que l'action des premiers,
quoi qu'on puisse en penser, se base sur le génocide
réel des Juifs, alors que celle des seconds
s'appuie sur un mensonge absolu. De toute façon,
on voit mal ce que vient faire ce procès à
la LICRA accusée d'une << attitude totalitaire
>> qui permettrait aux négationnistes
<< de prétendre qu'on les persécute
>> dans un texte censé éclaircir
les raisons de la dérive négationniste
d'une partie de l'ultra-gauche. Comme on peut rester
pensif devant le besoin de parler à propos de
l'action de la LICRA << de véritable détournement
de cadavres >>.
Ce livre a entraîné une vive polémique
et cela n'est guère étonnant après
la brève analyse que nous venons d'en faire.
En effet, cet ouvrage n'est ni rigoureux, ni précis,
ni très honnête. Sous un titre qui entraîne
dans la sombre affaire du négationnisme ni plus
ni moins que deux courants politiques, on ne découvre
que les explications tordues d'individus qui essayent
de solder un passé bien encombrant, sans vraiment
tout liquider. A ce petit jeu, Gilles Dauvé
est carrément sidérant et présente
un étrange cas de dédoublement de la
personnalité. Tout au long de son Bilan, contre-bilan,
il stigmatise l'attitude de << ces curieux révolutionnaires
>> qui << se voulaient détenteurs
d'une vérité enfin utile >> et
soutenaient un Faurisson << dont il n'est nul
besoin d'être chasseur de nazi professionnel
pour discerner l'antisémitisme flagrant >>,
sans jamais dire qu'il a été un de ces
<< révolutionnaires >> et qu'il
a soutenu Faurisson !
Au fond, que ces deux personnages aient été
peu ou prou et plus ou moins longtemps révisionnistes
n'intéresse certainement pas tous les lecteurs
qui, comme nous, ont fait l'acquisition de ce livre
à cause de son titre. Si ces deux-là
se retrouvent sous les feux de la rampe, c'est qu'ils
s'y sont eux-mêmes placés. Ce qui surprend
le plus c'est que Reflex, groupe anti-fasciste radical,
se soit fait l'éditeur d'un livre leur donnant
la parole sur un sujet aussi brûlant, sans autres
précautions : vérifications des dires,
avertissement au lecteur, éléments pour
comprendre une affaire déjà datée
50. De plus, il aurait fallu faire un choix : soit
donner l'occasion à Quadruppani et Dauvé
d'une véritable autocritique, soit présenter
le point de vue des libertaires et de l'ultra-gauche
sur le sujet, qui est, rappelons-le tout de même
! pour l'essentiel d'entre-eux, de s'être toujours
opposés au délire négationniste.
L'opinion de Louis Janover
Louis Janover a écrit un livre, Nuit et brouillard
du négationnisme, pour rappeler que l'ultra-gauche,
à laquelle il se rattache, ne s'est jamais compromise
avec des idées d'extrême-droite, dans
lequel il regrette que << deux suspects n'aient
pas hésité pour se défendre à
faire croire que tout le milieu avait été
contaminé avec eux >>. Pour lui, des <<
petits malins >> en mauvaise posture n'ont pas
hésité, pour s'en sortir, à mettre
tout le monde dans le bain. En l'occurrence, Reflex
aurait été l'instrument idéal,
à cause de son label antifascite, avec la publication
d'un livre se situant << au coeur [d'un] dispositif
d'autojustification >>.
On peut le suivre lorsqu'il écrit que l'ultra-gauche
tentée par le négationnisme, constituée
de << rescapés du gauchisme soixante-huitard
>> et du << VRP gauchiste de la Vieille
Taupe >>, n'est pas la même que la <<
mouvance ultra-gauche traditionnelle >> qui a
toujours été antifasciste. Toutefois,
il n'existe pas, à notre connaissance, de réelle
frontière entre les deux. En témoigne,
le tract Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément
nos amis 51, que Janover signait, en 1992, avec deux
des auteurs des textes du livre Libertaires et ultra-gauche...
leur servant avec les autres signataires << de
caution >>. Ne serait-ce qu'à cause de
cela, Janover ne devrait pas considérer, comme
il le fait, << dérisoire >> les
textes incriminés et parler à leur sujet
de << palimpsestes depuis longtemps racornis
ou même tombés en poussière >>,
et il devrait saisir cette occasion pour s'interroger
sur << les faiblesses propres au milieu ultra-gauche
>>, évoquées, ironie ! dans le
tract Les ennemis... qui utilisait justement ces faiblesses
pour couvrir les écrits passés de certains
des signataires !
Janover préfère constater << l'effet
dévastateur de cette polémique >>
sur les milieux libertaires et ultra-gauche. Car, dit-il,
ce cafouillage est une merveilleuse occasion donnée
aux << démocrates bien-pensants >>
de laisser entendre que toute critique de la démocratie
parlementaire et de l'antifascisme est suspecte, comme,
donc, toute pensée libertaire et ultra-gauche
porteuse de cette critique. Sans cela, il n'y aurait
eu, selon lui, << aucune raison de s'attarder
sur ce mauvais polar >>. L'exploitation qui a
été faite de cette affaire, par exemple
complaisamment étalée dans Le Monde,
est réelle. Mais le << mauvais polar >>
dont parle Janover a bien été <<
écrit >> par un milieu incapable de repérer
et de régler lui-même ses problèmes.
Dans ce << procès >> fait à
l'ultra-gauche, Janover prête le rôle d'accusateur
à l'écrivain de roman policier Didier
Daeninckx, qui a consacré plusieurs ouvrages
à ce sujet.
L'intervention de Didier Daeninckx
C'est tout d'abord, en tant qu'écrivain de polars
que Daeninckx va intervenir en se renseignant sur Dauvé,
à la demande du directeur de la collection Le
Poulpe, à qui un manuscrit de celui-ci avait
été donné par Quadruppani pour
publication. Son << enquête >> l'a
amené à découvrir les éléments
démontrant les activités révisionnistes
de Dauvé, et conséquemment de Quadruppani,
et à souligner l'ambiguïté de leurs
explications récentes et leurs omissions. Toute
cette affaire va agiter les milieux antifascistes et
le milieu du polar (Quadruppani est aussi auteur de
polars). Dés lors, cette histoire prendra une
dimension << microcosmique >> avec rumeurs,
lettres << privées >> largement
rendues publiques, pétitions lancées
pour soutenir Quadruppani, menaces de cassage de gueule
à l'endroit de Daeninckx, etc.
Certains vont refuser à Daeninckx le droit de
s'exprimer sur ce sujet, au prétexte qu'un ex-membre
du Parti communiste français, toujours sympathisant,
n'aurait de leçon à donner à personne
; il se verra accuser de mener un procès stalinien.
On peut certes se poser des questions sur les motivations
et la légitimité de Daeninckx à
jouer le rôle de << justicier >>
qui est le sien dans cette affaire, mais cela n'annule
pas la véracité de l'essentiel de ses
affirmations qui sont accablantes pour les auteurs
de Libertaires et ultra-gauche... Ceci dit, les livres
de Daeninckx ne sont pas sans défauts. Ainsi,
s'il s'est livré à un travail ultra-détaillé
concernant les personnalités de Dauvé
et Quadruppani, il ne s'est guère exprimé
sur le sens à donner à leur dérive
révisionniste. On perçoit pourtant la
thèse de Daeninckx qui est que l'ultra-gauche
abriterait des fascistes en son sein, des gens qui
auraient tout intérêt à semer la
confusion. Mais cela n'est jamais clairement dit, ni
prouvé : Daeninckx laisse entendre plus qu'il
n'affirme. De plus Daeninckx, dans sa démonstration,
fait mention de documents qui n'ont pas été
publiés, comme par exemple des brouillons de
textes, pour porter certaines de ses accusations. Son
action est apparue comme une sorte de croisade qui
prenait, parfois, une drôle d'allure. Ainsi,
dans le livre collectif, Négationnistes : les
chiffonniers de l'histoire, qu'il a dirigé,
on trouve un texte ébouriffant du directeur
de la revue catholique Golias dont l'article La Bête
et son nombre tente de démontrer une sorte de
sous-bassement satanique au négationnisme au
prétexte, entre autres, que certains négationnistes
ou supposés tels << écrivent le
mot Dieu avec une minuscule << pour rabaisser
le caquet de l'Enflure céleste >>.
L'antifascisme dans la tourmente
Dans toute cette affaire, Didier Daeninckx n'est pas
un enquêteur neutre, à la fois à
cause de sa profession d'écrivain et de son
appartenance politique. Louis Janover voit en lui un
de ces antifascistes << bien-pensants >>
représentant du << nouveau discours consensuel
fondé sur le devoir de mémoire antifasciste
>> 52 et dans son action une volonté de
faire place nette de tout antifascisme s'inscrivant
dans une remise en cause générale de
la société. Cette hypothèse n'est
pas absurde. Depuis l'émergence du Front national,
la question de l'antifascisme en France est venue,
à point nommé, boucher les trous de l'idéologie
d'une gauche singulièrement épuisée.
L'épouvantail frontiste a été
très utile pour faire avaler de nombreuses couleuvres
au << peuple de gauche >> français
(répression contre les sans-papiers, politiques
sécuritaires, etc.) et aider une gauche en déroute
à se définir, même si c'est en
<< négatif >>. Cette affaire du
négationnisme de gauche prend donc place dans
le contexte plus large de l'antifascisme français
et doit aussi être comprise comme un moyen dans
les combats qui s'y mènent. Rien d'étonnant
à ce que Daeninckx, très proche du parti
communiste et membre éminent de Ras l'front,
s'y trouve mêlé. D'ailleurs il a, dans
le fil de cette affaire, fait paraître un plaidoyer
pour la loi Gayssot 53 qui punit les écrits
et les propos racistes. Cet antifascisme qui s'impose
par la loi est celui qui est prôné par
le parti communiste français, dont fait partie
Jean-Claude Gayssot, initiateur de la loi qui porte
son nom.
Mais il faut croire que Daeninckx est aussi animé
par une réelle volonté de dénicher
la vérité derrière des apparences
parfois trompeuses. Pour preuve, on doit relever qu'il
s'efforce aussi de mettre à jour le rôle
joué par des personnes censées appartenir
au même camp que lui. C'est le cas de l'écrivain
Gilles Perrault auquel Daeninckx s'est intéressé
après qu'il ait préfacé Libertaires
et ultra-gauche contre le négationnisme. Cela
l'a amené à porter de très graves
accusations contre Perrault, regroupées dans
Le Goût de la vérité : réponse
à Gilles Perrault 54. Le contenu de ce livre
n'est certes pas fait pour cimenter le bloc des antifascistes
<< bon teint >>, alors qu'il sépare,
pour longtemps, Daeninckx et Perrault qui étaient
amis jusque là le premier admirant même
grandement le second , naviguaient dans les mêmes
eaux politiques 55, et se côtoyaient à
Ras l'front.
La frontière séparant deux antifascismes,
l'un radical, l'autre << démocratique
>>, n'est pas la seule, et elle n'est pas non
plus tout à fait rectiligne. En témoigne
le rôle joué par Gilles Perrault qui se
retrouve préfacier du livre édité
par Reflex, alors qu'il personnifie, comme le dit Janover,
<< la quintessence de l'idéologie flexible
de l'intelligentsia de gauche >>. Est-ce justement
cette caution-là que sont allés chercher
les auteurs de Libertaires et ultra-gauche contre le
négationnisme, soudain avides de << respectabilité
>> ? Perrault espérait-il oeuvrer pour
son camp en participant, comme le dit Janover, à
une entreprise de démolition de la pensée
antifasciste révolutionnaire ? Ou ce dernier
n'a-t-il jamais abandonné, comme le laisse entendre
Daeninckx, ses premiers amours idéologiques
d'extrême-droite ?
On le voit, beaucoup de questions restent encore sans
réponse. S'il n'est pas possible de maîtriser
les interventions extérieures, qu'elles soient
le fait d'adversaires politiques ou de provocateurs,
on est en droit par contre d'attendre des groupes libertaires,
antifascistes... un peu plus de rigueur. Celle-ci passe
tout d'abord par l'information et c'est le sens de
ce dossier mais aussi par une attitude personnelle
et collective plus critique vis-à-vis d'un certain
nombre de personnalités << vedettes >>
dont la notoriété ne doit pas remplacer
la cohérence et surtout l'honnêteté
qu'on est en droit d'attendre de chacune et chacun.
Notes :
1 <<Paul Rassinier>>, Lectures Françaises
124-125, août-sept. 1967, cité in Florent
Brayard, Comment l'idée vint à M. Rassinier.
Naissance du révisionnisme, Paris, Fayard, 1997.
2 Sur la personnalité de P. Rassinier on peut
lire aussi le témoignage de Guy Bourgeois, <<Rassinier
et le mouvement libertaire>> in Georges Fontenis,
L'autre communisme, Mauléon, Acratie, 1990.
3 Nadine Fresco, Fabrication d'un antisémite,
Paris, Seuil, 1999.
4 Le syndrome de Stockholm est le processus par lequel
certaines victimes adoptent le point de vue de leurs
agresseurs.
5 Les Kapos étaient des déportés
chargés, par l'administration des camps, d'encadrer
les autres prisonniers.
6 Selon des témoins retrouvés par Nadine
Fresco, Rassinier aurait fait le clown à l'infirmerie
du camp pour s'attirer la sympathie des infirmiers;
il aurait aussi dérobé des conserves
à d'autres détenus. Sans porter de jugement
moral sur ces éléments, elle considère
que son <<révisionnisme>> fut au
départ une <<autorévision>>,
une façon d'enjoliver son propre parcours dans
l'univers concentrationnaire.
7 Le mensonge d'Ulysse, cité in Florent Brayard,
op. cit., p. 98.
8 Sur Céline, lire notamment Michel Bounan, L'Art
de Céline et son temps, Paris, Allia, 1997 ;
Hans-Erich Kaminski, Céline en chemise brune
(1938), Paris, les mille et une nuits, 1997 ; Jean-Pierre
Martin, Contre Céline, Paris, José Corti,
1997.
9 Introduction de Paraz au Mensonge d'Ulysse, cité
in Florent Brayard, op. cit., p. 119.
10 Rassinier avait séjourné dans des camps
de concentration qui étaient des camps de travail
où l'on mourrait surtout d'épuisement
et de malnutrition et non des camps d'extermination
comme Auschwitz ou Treblinka.
11 Journal officiel, compte rendu des débats,
séance du 2 novembre 1950. Cité in Florent
Brayard, op. cit., p. 159.
12 Pour en savoir plus sur le génocide des Juifs
(et des Tsiganes, des homosexuels, etc.) par les nazis,
on peut se référer, entre autres, à
l'ouvrage de Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de
la mémoire, Paris, La Découverte, 1987,
qui répond point par point aux << arguments
>> des négationnistes.
13 Nuremberg II ou les faux-monnayeurs, 1950.
14 Le Protocole des sages de Sion est un pamphlet antisémite,
confectionné au début du siècle
par les services secrets du Tsar et << révélant
>> un soi-disant complot juif. Pour en savoir
plus, on peut consulter Roberto Finzi, L'antisémitisme
du préjugé au génocide, Casterman-Giunti,
Florence, 1997, chap. 4.
15 Florent Brayard, op. cit., p. 244
16 Convaincu par Coston de la réalité
d'un complot juif mondial contre la paix, Rassinier
poursuivra son << oeuvre >> dans une quête
éperdue des preuves de ce complot. Ses derniers
écrits présentent la Shoah comme une
imposture inventée par les juifs après
la guerre.
17 Florent Brayard, op. cit., p. 434.
18 Dans Le Libertaire no 247, 15 déc. 1950.
19 Défense de l'homme no 53, fév.-mars
1953, pp. 8-9.
20 Roland Biard qui évoque ce débat dans
son Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris,
Galilée, 1976, ne donne pas d'indications sur
la personnalité de Rassinier.
21 Bulletin intérieur de la FA, décembre
1960.
22 C'est ce qu'écrit notamment Georges Fontenis,
L'étrange parcours de Paul Rassinier, in Négationnistes
: les chiffonniers de l'histoire, Golias Syllepse,
1997, p. 132.
23 Cette citation et celles qui suivent sont tirées
du Bulletin intérieur de la FA, octobre 1961.
Qui reprend lui-même des articles parus dans
Informations, organe du groupe anarchiste de Hambourg.
24 Ce que Rassinier disait-là était une
sorte de demi-vérité. En effet les six
camps d'extermination nazis (Chelmno, Belzec, Sobibor,
Treblinka, Auschwitz et Maïdanek) se trouvaient
tous situés sur le territoire de la Pologne
de 1939. Cependant des gazages ponctuels ont aussi
été pratiqués dans des camps de
concentration << classiques >>, notamment
à Mauthausen en Autriche. Cf. François
Bédarida, Le nazisme et le génocide,
Paris, Nathan, 1989, p. 39.
25 Le Monde libertaire, no 106, novembre 1964, cité
par Nadine Fresco, op. cit., p. 562.
26 Maurice Joyeux, << Parlons un peu de Paul Rassinier
>> Le Monde libertaire no 664 du 21 mai 1987,
p. 7. A la décharge de la FA, il faut signaler
que trois semaines plus tard (dans Le Monde libertaire,
no 667, 11 juin 1987), un article signé Jacques
Grégoire, faisait le point sur la personnalité
de Rassinier en expliquant que ses écrits n'avaient
d'autre objet que de nier la réalité
du génocide et de réhabiliter le nazisme.
Mais comme le veut une tradition de la FA, l'article
de Grégoire n'attaquait pas de front le texte
de Maurice Joyeux. Et l'introduction du comité
de rédaction prétendait uniquement <<
apporter quelques précisions sur la dérive
>> de Rassinier. Il est des cas où l'intention,
à première vue charitable, d'épargner
un vieux camarade peut sérieusement entamer
la crédibilité d'une organisation.
27 Selon Nadine Fresco, op. cit., pp. 12-14, un autre
historien du socialisme fort connu, Maurice Dommanget,
spécialiste de Babeuf et de Blanqui, faisait
lui-aussi régulièrement l'éloge
des livres de Rassinier, notamment dans la revue L'Ecole
émancipée. S'il est bien difficile d'expliquer
l'aveuglement de certains libertaire vis-à-vis
de Rassinier, le mystère s'épaissit encore
pour des historiens consacrés.
28 Selon Florent Brayard, op. cit., p. 374.
29 Georges Fontenis, L'autre communisme, op. cit. p.
385.
30 Selon la rubrique qui lui est consacrée dans
le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français,
J. Maitron dir., Paris, éditions ouvrières,
1982.
31 Voir Tierry Maricourt, Les nouvelles passerelles
de l'extrême-droite, Levallois, Manya, 1993,
pp. 117-121. Du même, Les curieux appuis libertaires
du nihilisme brun, in Négationnistes : les chiffonniers
de l'histoire, op. cit., pp. 141 et s.
32 Nous craignons qu'il faille compter parmi ceux-ci
Felix Alvarez Ferreras, directeur de Cenit, publication
réalisée en France par d'anciens exilés
de la CNT d'Espagne, qui fait de temps à autre
de la publicité pour L'Homme libre. Voir Cenit
no 723 du 7 avril 98 et no 763 du 9 février
99.
L'Homme libre no 155, avril-juin 98, ayant publié
une note nécrologique pour la compagne d'Alvarez
Ferreras, on peut imaginer que ses rédacteurs
aient exploité son désarroi... Mais cela
montre aussi que les fascistes sont très habiles
pour pénétrer et utiliser les institutions
déclinantes.
33 Le Monde, 21 février 1979.
34 Mémoire en défense contre ceux qui
m'accusent de falsifier l'histoire. La question juive
des chambres à gaz, Paris, La Vieille Taupe,
1980.
35 Sur ce sujet, voir l'appendice De Faurisson et de
Chomsky qu'y consacre Pierre Vidal-Naquet dans son
livre Un Eichmann de Papier in Les Juifs, la mémoire
et le présent, Esprit, 1981 et les Réponses
inédites à mes détracteurs parisiens
de Noam Chomsky, Paris, Spartakus, 1984.
36 Au départ, se trouvent rassemblés sous
ce nom des organisations se réclamant de la
Gauche italienne bordiguiste et du Conseillisme, mouvement
marxiste anti-autoritaire, issu du socialisme allemand
des années vingt représenté par
Rosa Luxembourg, P. Mattick, Pannekoek, etc., qui préconisent
le pouvoir des conseils ouvriers. Aujourd'hui, on a
tendance à classer sous cette appellation toute
une galaxie de groupes radicaux puisant dans cette
tradition, mais aussi influencés par certains
penseurs libertaires (Stirner) ou des mouvements comme
l'Internationale situationniste. En gros, il s'agit
de tout ce qui est à gauche de l'extrême-gauche
et qui n'est pas anarchiste. On ne peut pas réellement
parler de courant politique, car les divers groupes
dits << ultra-gauche >> ne s'apprécient
pas forcément entre eux, ni ne se reconnaissent
comme faisant partie d'un même ensemble. D'après
le Dictionnaire de l'extrême-gauche de 1945 à
nos jours de Roland Biard, Belfond, 1978.
37 Cet intérêt pour Rassinier n'est pas
nouveau chez Guillaume qui, déjà à
la fin des années soixante, dit à qui
veut l'entendre tout le bien qu'il pense de cet auteur.
38 François-Georges Lavacquerie, L'ultra-gauche
dans la tourmente révisionniste in Libertaires
et ultra-gauche contre le négationnisme, Paris,
Reflex, 1996.
39 Tendance bordiguiste ou Gauche italienne : <<
tendance marxiste se référant aux thèses
d'Amadeo Bordiga >>. Ce dernier fut le chef de
file d'une fraction minoritaire au sein du Parti socialiste
italien, puis du Parti communiste italien. Pour lui,
le << Programme communiste >> dont est
dépositaire le Parti, a été élaboré
une fois pour toutes par Marx dans le Manifeste. Sa
dénonciation de la mainmise de l'Internationale
Communiste sur les partis communistes européen
et son soutien à Trotski en 1930, lui vaudront
d'être exclu de l'Internationale et du Parti.
Malgré le retrait politique de Bordiga jusqu'en
1945, un courant bordiguiste important va se développer
dans de nombreux pays entre les deux guerres. <<
Figée sur des positions immuables, [...] la
gauche italienne attend des masses la reformation du
Parti Communiste authentique >>. D'après
le Dictionnaire de l'extrême-gauche de 1945 à
nos jours de Roland Biard, Belfond, 1978. Les citations
sont extraites de ce livre.
40 De l'exploitation dans les camp de concentration
à l'exploitation des camps, op. cit.
41 De l'exploitation dans les camp de concentration
à l'exploitation des camps, op. cit.
42 Table rase de la confusion, in Libertaires et ultra-gauche...,
op. cit.
43 Comme l'atteste un texte interne à La Guerre
sociale, publié dans La Banquise, no 2, 1983.
44 Cité par Didier Daeninckx, Le Jeune Poulpe
contre la vieille taupe, Paris, Bérénice,
1997.
45 Cité dans Le Roman de nos origines, in La
Banquise, no 2, 1983.
46 Paris, Balland, 1983.
47 La Banquise, no 1, 1983.
48 Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme,
op. cit.
49 François-Georges Lavacquerie, L'Ultra-gauche
dans la tourmente révisionniste, in Libertaires
et ultra-gauche..., op. cit.
50 En effet, l'énorme partie des lecteurs pensons
aux jeunes ou aux provinciaux se retrouvent devant
un livre qui parle de revues qu'ils ne pouvaient avoir
lu et qu'ils ne pouvaient quasiment pas se procurer.
51 Tract qui marquait un refus net du négationnisme
jugé comme << une extravagante variante
d'antisémitisme >>.
52 Louis Janover, Nuit et brouillard du négationnisme,
Paris, Paris-Méditerranée, 1996.
53 Didier Daeninckx, Valère Staraselski, Au nom
de la loi, Paris, Bérénice, 1998.
54 Dans cet ouvrage, publié par Verdier en 1997,
Daeninckx s'attache à éclairer les zones
d'ombres de la biographie de Gilles Perrault : sa sympathie
pour les idées d'extrême-droite qui le
pousseront à s'engager dans les parachutistes
pendant la Guerre d'Algérie et dont on trouve
traces dans ses premiers livres, ses liens avec les
services secrets français qui << alimentent
>> son oeuvre littéraire, etc. Nous ne
traiterons pas ici du contenu de ce livre qui ne fait
pas directement partie de notre problèmatique.
55 Ils sont tous les deux membres de la Société
des Amis de l'Humanité, quotidien du Parti communiste
français.
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