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Et les sectes anarchistes ?Dans la Charte d'Amiens (1906), les syndicalistes révolutionnaires français ont utilisé le mot «sectes» pour désigner les groupes anarchistes dont ils voulaient être indépendants au même titre que des partis politique. Sans doute, prenaient-ils ce mot dans son sens littéral d'«ensemble de personnes qui professent une même doctrine». Cela dit, il n'est peut-être pas inutile de se demander si les anarchistes sont vaccinés contre les tendances sectaires. Y a-t-il des gourous ou chefs charismatiques dans les groupes libertaires ? Y a-t-il des militants qui se soumettent à une servitude volontaire ? Qui préfèrent suivre un chef plutôt que de réfléchir par eux-mêmes ? Il serait faux de s'imaginer que parce qu'on se déclare anarchiste ou libertaire, on échappe aux mécanismes de pouvoir. Il ne s'agit pas de faire une chasse aux sorcières et de nier les différences entre les gens, de refuser les fortes personnalités. Par contre, dans la période d'incertitude que nous vivons, il est important que chacun conserve son libre arbitre et sa lucidité. En Suisse, il s'est produit une très curieuse affaire, celle du VPM ; un mouvement fondé à l'origine par Friedrich Liebling, un psychologue d'orientation libertaire. Après sa mort, sous l'influence de nouveaux dirigeants, le VPM a évolué vers l'extrême-droite. Certains observateurs considèrent que sans être une secte au sens propre, ce mouvement s'en rapproche beaucoup. Des anciens élèves de Liebling que nous avons rencontrés ne sont pas parvenus à nous expliquer comment une telle évolution a été possible. Est-ce qu'il y avait quelque chose dans la doctrine de Liebling ou dans la pratique du groupe qui a permis un pareil retournement ? Nous en sommes réduits aux conjectures. Disciple de Adler, Liebling pensait qu'en changeant l'homme on changerait la société. D'après ce que nous avons compris, il préconisait une éducation complètement anti-autoritaire, non violente, et essayait de soigner celles et ceux qui avait souffert d'une éducation inappropriée dans leur enfance. Refusant la division entre thérapeutes et patients, Liebling avait constitué, à Zürich, une école de psychologie où les gens essayaient de régler collectivement leurs problèmes dans des assemblées. Les sectes obligent souvent les adeptes à exposer publiquement des problèmes intimes pour avoir ensuite prise sur eux... D'autre part, selon une personne proche de certains anciens élèves de Liebling, ceux-ci commentent ses textes et se remémorent ses propos, mais ils ne remettent jamais en question aucun aspect, même secondaire, de sa doctrine... affaire à suivre. Dans d'autres cas, on peut aussi observer des groupes ou des segments d'organisation qui tournent en permanence autour d'un seul personnage, même si celui-ci n'a pas de responsabilité précise (pas de mandat, donc pas de compte à rendre). Ce n'est pas seulement le «chef» qui est responsable de cette situation, car celui-ci tire son pouvoir, son influence, de la passivité ou de la soumission active des autres. Seule une organisation transparente, où chacun sait qui fait quoi, où il y a rotation des tâches... et aussi volonté d'établir des rapports vraiment égalitaires est une garantie contre le sectarisme. Contrairement à ce que croient certains, être sectaire, ce n'est pas avoir des positions tranchées et refuser d'avaler des couleuvres, mais au contraire, c'est suivre bêtement un «chef» qui vous mène dans le mur.
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