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Nouvelle Acropole - la secte aux deux visages

Par les amiEs de l'A.I.T

L'Affranchi no 10 (printemps 1995)
Écrit il y a bientôt dix ans, le texte ci-dessous est toujours d'actualité. L'association Nouvelle Acropole semble plus que jamais à la recherche d'une nouvelle respectabilité en Suisse romande. Ayant désormais pignon sur rue à Lausanne, elle a récemment été à l'initiative d'une manifestation culturelle et humanitaire. Il s'agit du << premier festival berbère >> dont les objectifs sont notamment de financer des crèches dans le Moyen Atlas marocain, ainsi que de << revaloriser l'image de l'Arabe qui a trop tendance aujourd'hui à être assimilé à un terroriste >> (Jean-François Buisson, dans 24 heures du 14 octobre 2004).
Pour l'occasion, Nouvelle Acropole a créé une association ad hoc : << AlpAtlas >>, dans laquelle elle a embarqué un ou deux autres groupes dont on peut penser qu'ils ignoraient sa réputation sulfureuse. Dans le cadre de ce festival, une exposition a eu lieu au Forum de l'hôtel de Ville en présence du syndic de Lausanne et de l'ambassadeur du Maroc. D'autres activités sont annoncées dans les locaux syndicaux de << Pôle Sud >>.
Plusieurs hypothèses peuvent sans doute expliquer ce genre d'initiatives, l'une d'elles serait qu'en associant une municipalité de gauche et une institution syndicale à ses activités, Nouvelle Acropole cherche à provoquer des réactions d'opposition et de rejet qui conforteront la paranoïa que, comme toutes les sectes, elle cultive chez ses adeptes, renforçant ainsi leur adhésion au groupe. Il pourrait aussi s'agir d'un test pour vérifier la vigilance (ou l'absence de celle-ci) parmi les antifascistes de cette ville.

«Réfléchir pour parvenir à la liberté et à l'autonomie individuelle.» C'est sous cette devise que la journaliste Marlyse Tschui a présenté l'association Nouvelle Acropole dans un article élogieux paru dans Femina(1). Deux pages de publicité gratuite dans lesquelles Jean-François Buisson, dirigeant suisse de Nouvelle Acropole, vante ses cours de philosophie «ouverts à toute personne intéressée». Dans les propos de ce monsieur, il est question «de réflexion sur des thèmes fondamentaux comme l'amour ou la mort», de liberté, de comprendre les autres... De Nouvelle Acropole on nous dit que c'est «une école de philosophie à la manière classique, œuvrant hors du ghetto académique» et que «son objectif est de réunir des hommes de toute croyances, races et conditions sociales autour d'un idéal de fraternité universelle». Tout cela paraît très sympathique... Au détour d'un paragraphe on apprend pourtant que Nouvelle Acropole a «été assimilée par certains tantôt à une secte, tantôt à un mouvement politique d'extrême droite». Pure calomnie, remarques frileuses de médiocres à l'esprit étroit ? C'est ce que semble penser la journaliste qui rétorque que l'on «ne parle pas impunément de religions et de liberté individuelle, surtout si l'on se situe hors des cadres habituels !»

Depuis 1993, le point de vue de Marlyse Tschui n'a pas varié. Citée en référence par un autre journaliste dans un récent article de 24 heures(2) elle déclare : «J'attends qu'on m'apporte la preuve que c'est une secte. Le mouvement l'est d'autant moins, à mon avis, qu'il se penche sur l'étude de toutes les religions et grandes philosophies, sans prétendre détenir la vérité absolue. Tout le contraire d'une secte». L'auteur de cet article, Olivier Grivat, prend également la défense de Nouvelle Acropole en assenant un argument, aussi massue qu'irréfutable, contre ses détracteurs. A propos d'une organisation qui soutient les victimes des sectes, il écrit : «n'y a-t-il pas plus sectaire qu'un chasseur de sectes ?» Et lui aussi se fait un plaisir d'offrir à Nouvelle Acropole une publicité gratuite en annonçant leur «cycle de cours de philosophie d'Orient et d'Occident».

Ces articles large public(3) constituent un véritable exemple de désinformation qui sied fort bien à Nouvelle Acropole, une organisation à deux visages qui cultive le mensonge et la tromperie.

Qui pourrait penser que derrière le stand d'information «pour l'Europe des cultures», où l'on offre des tracts traitant de «la lutte contre le racisme», que derrière les «week-ends "aventure" ou ateliers "découverte"» comprenant «saut en parachute, course d'orientation, spéléo, théâtre, écologie, action humanitaire, art martiaux, musique, développement personnel...»(4) se cache une secte d'extrême-droite ? Ce n'est certes pas la lecture des tracts distribués aux passants qui nous le révèle -- tout au plus peut-on y noter la présence de thèmes chers à la Nouvelle droite comme le retour au spirituel, la nécessité des mythes ou le rejet de toute culture rationaliste et universelle -- mais des documents internes à Nouvelle Acropole, un certain nombre d'enquêtes journalistiques ainsi que des témoignages et ouvrages sur les sectes.

UNE SECTE D'EXTREME-DROITE

Sur le plan interne, Nouvelle Acropole s'avère être une société secrète de type hiérarchique et militaire. Sur le plan idéologique elle refuse la démocratie et préconise, par la voix de son fondateur, l'argentin Georges Livraga, un «gouvernement aristocratique et totalitaire»(5). Dans une revue interne, un autre dirigeant déclare : «Hitler est un de mes personnages préférés»(6).

Le simple curieux qui s'inscrit aux cours de philosophie n'est évidemment pas informé de cette orientation nazie. Comme dans toutes les sectes, les révélations se font progressivement. Il faut passer par certaines étapes et mettre la main au porte-monnaie (les cours sont payants évidemment) pour être dans le secret des dieux, pour faire partie des élus... Selon le périodique français VSD(7) pour accéder aux premières révélations, trois cycles d'études sur deux ans sont nécessaires. A ce moment-là, l'élève acropolitain apprend que les initiés se saluent le bras levé à la manière fasciste. Ce geste sert de révélateur. Certains s'en offusquent et quittent l'organisation. Pour ceux qui restent, la machine à fanatiser se met alors véritablement en marche.

Nouvelle Acropole présente les caractéristiques de deux types de sectes : le type gnostique (Rose-croix...) dans lequel les fidèles sont amenés à découvrir des secrets cachés au cours d'une longue initiation et le type millénariste. (Témoins de Jéhovah...), caractérisé par le fait que les adeptes sont convaincus d'appartenir à un groupe d'élus à qui un bonheur futur est promis.

UN ANCIEN ADEPTE TÉMOIGNE

Ramiro Pinto Cañon, un Espagnol qui a passé trois ans à l'intérieur de Nouvelle Acropole, a décrit dans un livre(8) les méthodes qui y sont utilisées. Le premier principe mis en œuvre est celui de la répétition. Dans les cours, les séminaires, les réunions internes... on répète un certain nombre de clichés idéologiques qui finissent par pénétrer profondément dans l'inconscient. Par différents mécanismes, on procède aussi à une restructuration dynamique de la personnalité. «On nous disait qu'on arrivait à la chasteté par le travail, que c'était un honneur de travailler pour Nouvelle Acropole et qu'il fallait payer pour cela. On arrive à être si exténué qu'on n'a plus envie de rien. Une autre tension se crée dans l'affrontement avec le monde extérieur, vu comme un ennemi constamment à l'affût (...) il faut toujours être sur ses gardes, les critiques ou dénonciations sont vécues comme une stratégie d'intoxication (...). Pour supporter cette tension, il faut un effort de dépassement qui augmente l'attitude fanatique». Ramiro Pinto Cañon parle d'une escalade émotionnelle vécue au passage d'un grade à l'autre. A ces occasions, l'émotion des autres participants, les serments, les drapeaux, les jeux de lumière, la musique... jouent un rôle fondamental. A l'inverse, ceux qui quittent la secte sont considérés comme des traîtres, des faibles, des drogués ou des dépravés potentiels...

Un autre élément est la négation des relations et obligations de la vie quotidienne : «la seule chose importante est la secte, le reste fait perdre du temps au travail offert au leader (...). Si l'on travaille à l'extérieur le sens est donné par l'argent qui va dans les coffres de la secte (...). Les relations familiales et professionnelles sont maintenues pour éviter d'avoir trop de problèmes et aussi pour infiltrer toutes les couches sociales. Ainsi les membres qui font bonne impression parviennent à avoir de l'influence et à obtenir les faveurs des moyens de communications (...). Certains membres ne font pas de prosélytisme pour que leur entourage ne les suspecte pas quand c'est dans l'intérêt de la secte».

Concernant l'idolâtrie envers les chefs, Ramiro Pinto Cañon fait état d'un véritable ensorcellement : «Il faut s'agenouiller devant les chefs et les dirigeants. La théâtralité est immense au point qu'on la vit avec une fascination totale. On arrive à sentir l'idéal, à le palper et à délirer autour de lui». Au cours de son récit, il rapporte aussi une étrange anecdote qui fait songer à certains événements récents. On lui a raconté que dans un pays d'Amérique du sud, on avait voulu mettre à la porte de leur local des membres de Nouvelle Acropole, mais «ils restèrent à l'intérieur en menaçant de se brûler tous ensemble». Cette histoire est présentée comme héroïque...

Nouvelle Acropole ne cherche pas à créer un vaste mouvement. Ses cours et autres activités publiques ont pour objectif de créer un vivier duquel seule une petite élite est récupérée et intégrée aux différents niveaux de l'organisation secrète. «Cette structure (Nouvelle Acropole) se nourrit d'homme et transmute les plus aptes dans son grand corps et sa grande âme, les transformant en des surhommes. Les inaptes sont laissés derrière. Telle est la douloureuse loi. Ils seront accueillis par quelques structures hyènes où dans quelque mesure ils se réaliseront...»(9). Aux uns le collage des affiches, la confection du matériel de propagande, l'entretien des locaux, la fabrication et la vente de moulages en plâtre de pièces archéologiques... aux autres la participation aux structures prestigieuses de la secte. La sélection est effectuée par des dirigeants formés aux méthodes autoritaires : «les pleurnicheries de la personnalité doivent être écrasées sans pitié (...). Le dirigeant doit être dur (...). L'ennemie est la personnalité de l'élève.»(10)

LE CORPS DE SÉCURITÉ

L'organisation interne de Nouvelle Acropole est compartimentée en différentes brigades dont la plus inquiétante est le corps de sécurité (CS). Celui-ci est créé lorsque, dans une région ou un pays, le nombre des membres dépasse de deux fois celui des chefs. Le corps de sécurité doit être dirigé par un militaire ou par un homme rompu aux arts martiaux(11). Cette structure se présente comme une petite armée secrète en attente d'action. Voici ce qu'en dit Miguel Martínez, un homme qui, après avoir milité dans l'extrême-droite italienne, a appartenu quatorze ans à Nouvelle Acropole. Il fut son fondateur à Syracuse, à Milan, puis son chef en Egypte... avant de lui claquer la porte au nez. «Les corps de sécurité occupent une place à part : ils sont organisés comme des commandos, présents dans les principales villes d'Europe. On garde le secret sur leurs activités, y compris au sein de l'organisation. En 1989, lors d'une réunion internationale à Vienne en Autriche, j'ai appris que le corps de sécurité belge allait prêter main-forte à certains services de renseignements. La secte forme son élite à la guérilla urbaine. Les instructeurs sont très qualifiés. Certains membres de la police italienne organisent les exercices.»(12) Ces liens avec la police sont confirmés par un autre repenti Felipe G., ancien chef des brigades du nord de l'Italie. «Lorsque je m'entraînait avec le corps de sécurité, nous pratiquions des exercices militaires. Nous utilisions des armes blanches mais aussi des armes à feu. Nous étions formés à la guérilla urbaine, par exemple à des débarquements commandos. Nos instructeurs appartenaient à la police italienne. A ma connaissance, il en est ainsi dans toute l'Europe. En Italie nous étions un peu plus de sept cents !»(13)

Si tout cela est bien exact, il y a de quoi s'inquiéter sérieusement. A plusieurs reprises les membres de Nouvelle Acropole ont montré qu'ils n'étaient pas des enfants de cœur. En 1988, le journaliste Bruno Fouchereau qui enquêtait sur eux, s'est fait sérieusement bousculer par des adeptes qui l'ont retenu une demi-heure dans une pièce en le menaçant physiquement(14). Le 10 mai 1994, un groupe de militants antifascistes de la ville de Castellón en Espagne, qui collaient des affiches dénonçant Nouvelle Acropole, ont été victimes d'une agression et d'une tentative d'enlèvement. Après avoir été violemment frappé, un militant antifasciste a été entraîné dans une voiture, interceptée un peu plus tard par la police(15).

DES VOYOUS ET DU BEAU LINGE

Dans un autre registre Nouvelle Acropole a montré qu'elle ne craignait pas l'illégalité. En mai 1993, la brigade financière de Madrid découvrait au domicile de Delia Guzman (l'impératrice de la secte depuis la mort de G. Livraga en 1991) un véritable musée d'objets archéologiques volés. L'état major de la brigade financière a déclaré : «... Dans le même immeuble, nous avons découvert un véritable laboratoire. Là, les objets étaient nettoyés et restaurés avant d'être exposés. De fait, c'est bel et bien une organisation de trafic international, agissant sous le couvert d'une association culturelle ayant des annexes dans le monde entier qui a été mise à jour.» Les objets découverts proviennent de presque tous les pays où se trouvent des filiales de Nouvelle Acropole. Lors de cette perquisition, les policiers ont aussi trouvé des armes blanches et des drapeaux marqués d'un symbole ressemblant à la croix gammée(16).

Cela dit, les dirigeants de Nouvelle Acropole ne sont pas que des barbouzes ou des voyous, on y trouve aussi du beau linge.

Récemment on a pu lire dans l'Evénement du jeudi(17) qu'un notable toulousain : Didier Bernadet, président de la Technopole -- une société d'économie mixte dont le district du Grand Toulouse est actionnaire majoritaire -- ancien président de la chambre régionale de commerce et d'industrie et maintenant chargé du développement de l'industrie de pointe régionale, est non seulement le numéro deux de Nouvelle Acropole France, mais aussi l'un de ses principaux dirigeants sur le plan international.

Nouvelle Acropole pénètre également les milieux universitaires. Les 28 et 29 novembre 1987 s'est tenu à Lyon un colloque sur le thème de «Mythe et Histoire dans la pensée de Dumezil et Eliade» patronné, entre autres, par Nouvelle Acropole et sous la présidence d'honneur de Maurice Niveau, recteur de l'Académie de Lyon. Parmi les intervenants à ce colloque, on notait la présence de trois professeurs de l'Université de Lyon III, connus pour leur appartenance au GRECE(18). Parmi ceux-ci, signalons Jean-Paul Allard, connu pour avoir été le président du jury de la thèse Roques(19); c'est lui qui trouvait "cocasse" la description des tas de chaussures retrouvées dans les camps de concentration... à ses côtés Fernand Schwarz le directeur de Nouvelle Acropole France, promu pour l'occasion «chargé de cours» d'une mystérieuse école d'anthropologie de Paris(20). Cette affaire révèle tout d'abord les liens qui existent entre le GRECE et Nouvelle Acropole, ensuite la recherche, par cette dernière, d'une légitimité scientifique. A Genève, Jean-François Buisson aurait donné une conférence(21) avec diapositives(!) intitulée «Dieux et légendes du Pérou ancien» à l'UNI Dufour, le 24 mars 1994... Peut-être a-t-on pu y admirer certains des objets retrouvés par la police espagnole chez Madame Delia Guzman ?

Pour conclure, Nouvelle Acropole est certainement une organisation dangereuse, surtout par ses dimensions paramilitaire et ses liens possibles avec certains services secrets. Quoi de mieux en effet que des adeptes fanatisés pour faire le sale boulot en cas de troubles sociaux d'importance ? Il faut donc faire circuler l'information pour faire connaître sa véritable identité et mettre en garde tous ceux qui, par naïveté ou par ignorance, sont susceptibles d'assister à ses fameux cours, conférences ou autres activités anodines à première vue.

MIEUX CONNAITRE NOUVELLE ACROPOLE

Fondée en Argentine en 1957 par Georges Livraga, Nouvelle Acropole est une secte d'extrême-droite, déguisée en association culturelle. Après avoir étendu ses activités en Amérique latine, aux USA et au Canada, elle a gagné l'Europe il y a quinze ou vingt ans.

Depuis la mort de son fondateur en 1991, Nouvelle Acropole est dirigée par une impératrice (!) Delia Guzman, de nationalité espagnole.

L'organisation serait présente dans 45 pays. En Suisse, à notre connaissance, Le Zombie libéré (n°44) à été le premier, en 1992, à signaler son installation à Genève. Selon 24 heures du 22 octobre 1994, Nouvelle Acropole compterait près de 3'000 adeptes dans notre pays, dont une cinquantaine de convaincus. Elle dispose d'un local à Genève (3, Place des Charmilles) ainsi que d'une adresse à Lausanne (8, ch. du Devin).

POUR SE DOCUMENTER :

Un important dossier sur Nouvelle Acropole, constitué de documents internes et de coupures de presse a été réalisé par l'UNADFI, Centre d'études et de documentation sur les sectes, 10 rue du Père Julien Dhuit, 75020 Paris.

Plusieurs ouvrages sur les sectes parlent de Nouvelle Acropole. En plus de ceux auxquels nous nous référons dans ce dossier (voir les notes à la fin de l'article) on peut consulter les ouvrages de Bernard Fillaire :

-- Les sectes, Paris, Flammarion, 1994.

-- Le Grand Décervelage, Enquête pour combattre les sectes, Paris, Plon, 1993.

Signalons également l'excellent dossier réalisé par les Jeunesse Libertaires de Gijón (en Espagnol) publié par la lletra A, n°37 février-mars 1993, Ateneu Llibertari C/Sant Vincenç 3, 43201 Reus (Espagne).

http://direct.perso.ch/aff1004.html